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APPENDICE. — No II.

rêta au nord de ce village, sur le bord de la rivière Âtchiravatî, dans un bois de manguiers[1]. Or, en ce temps-là, il résidait à Manasâkaṭa un grand nombre de riches[2] Brâh-

  1. Je ne trouve sur les certes modernes de la partie septentrionale de l’Inde, où nous devons chercher l’ancien pays des Kôçalas, aucune des dénominations géographiques qui figurent au début de cette légende. Cela ne doit pas surprendre pour un simple village comme Manasâkaṭa, qui serait sans doute en sanscrit Manasâkrĭta, « fait par un simple acte de volonté. » Mais on aimerait à découvrir la rivière Atchiravatî parmi les nombreux cours d’eau qui arrosent les provinces actuelles de Baraitch, Gorakpour et Aoude. Je serais tenté de supposer que la Raptî actuelle (nom qui est donné d’ailleurs à deux rivières qui sont déjà réunies à Gorakpour et qui se jettent dans la Dêvah), a pu se nommer anciennement Atchiravatî. Dans cette hypothèse, le mot de Raptî serait la fin altérée de Atchi-ravatî : peut-être même a-t-on dit Irâvatî au lieu à Atchiravatî, mot un peu développé pour subsister longtemps dans la prononciation populaire, et de Irâvatî on aura fait aisément Raptî. Ce qui confirmerait cette conjecture et la changerait presque en certitude, c’est que sur la carte du district de Gorak pour qui est annexée à la topographie de l’Inde orientale publiée par Montgomery Martin, d’après les papiers manuscrits du docteur Francis Buchanan, la Raptî porte aussi le nom de Airâvatî, ce qui est à peu de chose près le nom même dont je supposais tout à l’heure l’existence. (History, Topography, etc. of Eastern India, t. II, carte, p. 291 et 306.) Je ne dois pas cependant omettre de remarquer que des orientalistes d’une autorité imposante, comme Klaproth, Wilson et Cunningham, ont reporté l’Atchiravatî un peu plus à l’est, en l’identifiant avec la Gandakî moderne. Cette détermination repose à peu près entièrement sur la position que ces auteurs assignent à la ville célèbre de Kuçinârâ. Selon le voyageur chinois Hiuan thsang, autant qu’on le connaît par l’analyse de Klaproth (Foe koue ki, p. 287), la ville de Kiu chi na kie lo était située non loin du bord oriental de la rivière A chi lo fa ti, dont Hiuan thsang donne cette autre orthographe, A li lo pho ti, tout en la critiquant à ce qu’il paraît ; en effet, la vraie leçon se trouverait probablement dans la combinaison des deux orthographes, A chi lo fa ti, ce qui reviendrait exactement à celle de notre Sutta pâli, Atchiravatî, et non Adjirapati, comme l’écrit Csoma, d’après les Tibétains. (Analysis of the Dulva, dans Asiat. Res. t. XX, p. 59.) Il paraît que cette rivière s’était appelée antérieurement Chi lai na fa ti, mot dans lequel Klaproth retrouve le sanscrit Svarṇavatî, « qui charrie de l’or ; » cette conjecture lui donne l’explication du nom de Hi lian, en sanscrit Hiraṇya, « or, » par lequel on désignait la rivière auprès de laquelle était située la ville de Ku si na kie, selon le témoignage de Fa hian. (Foe koue ki, p. 235 et 236.) Or Klaproth pense que la rivière nommée par Hiuan thsang A chi to fa ti est la Gandakî, sans distinguer toutefois entre la grande et la petite rivière de ce nom. Le capitaine Cunningham, faisant usage de renseignements pris sur les lieux, se décide positivement pour la Tchûta Gandakî, « la petite Gandakî ; » et plaçant la ville de Kiu si na kie lo au lieu nommé Kusîa, dont les ruines ont été décrites par M. Liston (Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 477), il suppose que la forêt de Çâlas, indiquée par Hiuan thsang sur la rive occidentale de l’a chi to fa ti, se retrouve sur la carte de Rennell, dans la grande forêt de Çâlas, qui s’étend entre la Raptî et la petite Gandakî, à l’occident de cette dernière. (Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XVII, 1re partie, p. 30.) Je dois dire que l’argument tiré des curieuses ruines de Kusîa avait déjà été employé par M. Wilson. (Journ. roy. asiat. Soc. t. V, p. 126.) L’enchaînement de ces données conduit donc à ce résultat, que Kusîa est l’ancienne ville de Kuçi-nârâ, et que la rivière A chi to fa ti, ou notre Atchiravatî, est la petite Gandakî. Tout en reconnaissant la force de cette conclusion, je remarquerai que la Raptî et la petite Gandakî sont assez voisines l’une de l’autre pour avoir pu anciennement ou porter le même nom ou échanger leurs noms entre elles, surtout dans un pays extrêmement arrosé, et où nous savons que les rivières changent souvent plusieurs fois de dénominations dans diverses parties de leur cours, indépendamment de ce qu’elles tendent fréquemment à se confondre les unes avec les autres par des ébranchements que le docteur Fr. Hamilton a ingénieusement comparés à des espèces d’anastomoses. (Histor. Topogr. etc. t. II, p. 321.) Au reste, j’aurai occasion de revenir sur ce sujet en examinant le dernier voyage que fit Çâkya de Râdjagrĭha à Kuçinârâ.
  2. Le mot que je traduis par riche est mahâsâla, qui est d’un fréquent usage dans les textes buddhi-