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APPENDICE. — No VI.

MAHÂNIDÂNA SUTTA.

« Voici ce qui a été entendu par moi un certain jour. Bhagavat se trouvait chez les Kurus, au village des Kurus nommé Kammâssa dhammam̃[1]. Alors le respectable Ânanda se rendit à l’endroit où se trouvait Bhagavat, et quand il y fut arrivé, ayant salué Bhagavat avec respect, il s’assit de côté. Quand le respectable Ânanda fut assis, il parla ainsi à Bhagavat : Il est étonnant, seigneur, il est merveilleux, combien c’est une doctrine profonde que le Patitchtcha samuppâda, c’est-à-dire la production des causes successives de l’existence, combien cette doctrine paraît profonde ! C’est comme un abîme sans fond qui se creuse devant moi. — Ne parle pas ainsi, ô Ânanda, [reprit Bhagavat,] non, ne dis pas ainsi : C’est une doctrine profonde que la production des causes successives de l’existence, c’est une doctrine qui paraît profonde ; car c’est pour ne pas comprendre cette doctrine, ô Ânanda, pour ne pas la pénétrer, que les hommes nés d’une bonne famille qui l’ignorent, renaissent, par la loi de la transmigration, couverts de petite-vérole, ou changés en tiges de Mundja (saccharum Mundja) ou de Babbadja (Eleusine Indica), ou qu’ils tombent dans les lieux de châtiments, dans les mauvaises voies, et dans des existences misérables.

« Si quelqu’un vient à demander : La vieillesse et la mort ont-elles une cause connue ? il faut, ô Ânanda, répondre à cette question : Oui, elles en ont une ; et si l’on demande : Quelle cause ont la vieillesse et la mort ? il faut répondre : La vieillesse et la mort ont pour cause la naissance. Si cet homme demande : La naissance a-t-elle une cause connue ? il faut, ô Ânanda, lui répondre : Oui, elle en a une ; et s’il demande : Quelle cause a la naissance ? il faut lui répondre : La naissance a pour cause l’existence. Si cet homme demande : L’existence a-t-elle une cause connue ? il faut, ô Ânanda, lui répondre : Oui, elle en a une ; et s’il demande : Quelle cause a l’existence ? il faut lui répondre : L’existence a pour cause la conception. Si cet homme demande : La conception a-t-elle une cause connue ? il faut, ô Ânanda, lui répondre : Oui, elle en a une ; et s’il demande : Quelle cause a la conception ? il faut lui répondre : La conception a pour cause le désir. Si cet homme demande : Le désir a-t-il une cause connue ? il faut, ô Ânanda, lui répondre : Oui, il y en a une ; et s’il demande : Quelle cause a le désir ? il faut lui répondre : Le désir a pour cause la sensation. Si cet homme demande : La sensation a-t-elle une cause connue ? il faut, ô Ânanda, lui répondre : Oui,

  1. Le nom de ce village ou grand bourg (gâma) est remarquable sous un double rapport. Premièrement, il est formé d’après une méthode qui n’est pas commune en sanscrit, tandis qu’elle se rencontre à tout instant chez les peuples sémitiques ; il se compose en effet de trois mots, Kamma assa dhammam̃, qui doit et signifier « l’action serait légale, » ou bien « son action est légale. » En second lieu, ce nom rappelle d’une manière frappante la dénomination célèbre chez les Brâhmanes de Dharma kshêtra, « la plaine ou le pays de la loi, » qui passe pour un autre nom du Kurukchêtra, « la plaine des Kurus. » On peut voir dans Lassen (Indische Alterth. t. I, p. 91 et 92, note ; Zeitschrift für die Kunde des Morgenl. t. III, p. 200) ce que les auteurs brâhmaniques nous apprennent sur ces lieux anciennement révérés. Si le rapprochement que je propose d’établir entre le Kammâssa dhammam du Sutta buddhique et le Dharma kchêtra des Brâhmanes est fondé, on devra admettre que la sainteté de ce village des Kurus était reconnue déjà du temps de Çâkyamuni, c’est-à-dire dès le vie siècle au moins avant notre ère.