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APPENDICE. — N° VIII.

« Karavîka. » Les Buddhistes du Nord connaissent également ce caractère, et je le trouve formellement exprimé dans deux autres passages du Lalita vistara, dont l’un est ainsi conçu : Kalavig̃kaghôchasvaraḥ, « qui a le son de voix du Kalavîg̃ka[1]. » Wilson donne à kalavîg̃ka la signification de moineau ; le pâli kalavîka, qui n’en diffère que par la suppression d’une nasale laquelle est compensée par l’allongement de la voyelle, a probablement le même sens. Je dois avertir cependant que l’énumération du Dharma pradîpikâ lit Kàravabhânî, « ayant la voix du corbeau, » au lieu de karavîka ; c’est là une faute évidente. De plus le compilateur singhalais du recueil que je viens de citer explique ainsi ce second caractère, « il a la voix du Kôkila indien ; » mais il lit kuravîka, qui en singhalais désigne le cuculus melanoleucus. Quand nous serons plus avancés dans la connaissance de ce dernier dialecte et surtout dans la synonymie des noms désignant les êtres naturels, nous aurons peut-être le moyen de décider si karavîka et kuravîka ne sont pas un seul et même mot désignant le même oiseau, et si cet oiseau n’est pas le cuculus melanoleucus des Indiens. Quoi qu’il en soit, le Lalita vistara indique dans un autre passage le caractère de ces deux sons de voix, celle de Brahmâ, et celle du Kalavig̃ka, comme l’écrit le texte : la voix de Brahmâ est ainsi nommée, parce qu’elle domine toutes les voix ; et celle du Kalavig̃ka, kâyatchittôdvilyakaraṇatayâ, « parce qu’elle remplit de satisfaction le corps et l’esprit[2]. » Nous retrouvons ici, pour le dire en passant, le mot udvilya, dont j’ai déjà essayé de déterminer les significations diverses[3]. Dans un autre passage du Dharma pradîpikâ, je remarque la citation d’un texte pâli sur la perfection de la voix d’un Buddha, texte que je dois rapporter ici, parce qu’il forme un véritable commentaire à l’article qui nous occupe. Aṭṭhaggasamannâgatô khô panassa Bhagavat ô mukhatô ghôsô nitchtcharati vissaṭthôtcha viññêyôtcha mañdjutcha savanîyôtcha viññutcha avisârîtcha gambhirôtcha ninnâdîtcha. Yathâ parisam̃ khôpana sô Bhagavâ sarêna viññâpéti navassa bahiddhâ parisâyam̃ ghôsô nitchtcharati Brahmassarô khôpana sô Bhagavâ karavîkabhânî. « De la bouche de Bhagavat sort une voix qui est douée de huit caractères : elle inspire la confiance ; elle est intelligible ; elle est belle ; elle est agréable ; elle est savante ; elle ne se disperse pas ; elle est profonde ; elle est retentissante. Lorsque Bhagavat instruit l’Assemblée avec sa voix, le son n’en sort pas hors de l’Assemblée ; c’est que Bhagavat a le son de voix de Brahmâ, qu’il a la voix du passereau. » Voici encore un autre passage où paraissent ces deux caractères réunis : Karavîkamañdjunâ kaṇṇasukhêna paṇḍitadjanahadayânam̃ amatâbhisêkasadisêna Brahmasarêna bhâsatô Bhagavatô vatchanam abhinandim̃su anumôdim̃sutcha. « Ils accueillirent avec satisfaction et assentiment le discours de Bhagavat qui parlait avec sa voix de Brahmâ, douce comme celle du passereau, agréable à l’oreille, et qui était pour le cœur des hommes sages comme une pluie d’ambroisie[4]. »


11. Rasarasâgrâvân ; V11 raparapâgratâ ; H21 rasarasâgratâ ; Lc20, L21, M20, D21 rasaggasaggî. Ce caractère semble signifier, « Il a le sens du goût excellent, » littéralement,

  1. Lalita vistara, chap. XV, f. 117 b de mon man. A, et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 211.
  2. Lalita vistara, chap. xxvii, f. 280 a de mon manuscrit A, et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 402.
  3. Ci-dessus ; chap. 1, f. 4 b, p. 308.
  4. Nidâna vagga, f. 4 b init.