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Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/665

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APPENDICE. — N° VIII.

les termes sanscrits de cette liste, cela ne va pas jusqu’à en rendre méconnaissable la véritable forme, comme cela se voit dans le Mémoire de l’officier anglais que je vais examiner. Le colonel J. Low, il est vrai, s’est plaint plus d’une fois, et selon toute apparence avec juste raison, de ce que les Siamois qu’il consultait étaient si ignorants en pâli qu’on ne pouvait s’en rapporter à leur témoignage. Nous nous permettrons à notre tour d’exprimer le regret que cet habile homme, l’un des Anglais qui connaissent le mieux la langue et la littérature des Thaï, n’ait fait que trop rarement effort pour appliquer son savoir dans la langue vulgaire à l’éclaircissement des termes ou des textes de la langue religieuse. Il nous semble qu’il eût pu obtenir des résultats utiles auxquels on n’arriverait en Europe qu’après beaucoup de temps et de peines. Ainsi, au commencement de son Mémoire, dont je ne juge pas d’ailleurs la partie mythologique, il nous apprend, d’après un voyageur indigène, qu’on trouve dans le Laos une empreinte qui passe pour celle du pied de Çâkya, empreinte au-dessus de laquelle est élevée une petite construction pyramidale nommée Maratapa ou Maradop[1]. Il n’eût pas été inutile de dire que cette construction est pour le nom comme pour la figure, le Mandapa indien, dont nous n’avons pas la prétention d’apprendre la forme aux voyageurs qui ont visité l’Inde. Mais comment le nom indien mandapa a-t-il pu se changer à Siam en maralapa ou maradop ? Peut-être trouverons-nous l’explication de cette singularité dans quelque particularité de l’orthographe du Thaï. Le colonel Low nous apprend en effet, dans sa Grammaire, et bien avant lui la Loubère avait déjà signalé ce fait, que la lettre r finale, c’est-à-dire terminant une syllabe, se prononce comme n[2]. Ainsi un Siamois décomposant, comme il est porté à le faire par ses habitudes de langage, le sanscrit mandapa en man-da-pa, pourra l’écrire sans aucun inconvénient mar-ta-pa ; et un Européen lisant cette transcription sans se rappeler la règle précitée de l’orthographe siamoise, et sans reconnaître le sanscrit mandapa, transcrira à son tour ce mot d’une manière barbare, maratapa ou maradop, et fera dire aux Siamois un mot qu’ils n’auraient peut-être jamais songé à prononcer ainsi. Au reste, il paraît que ce mot de maratapa est singulièrement difficile pour les Siamois que consulte M. Low ; car à une époque aussi rapprochée de nous que l’année i8/i8, M. Low se demande encore si le maratapa que ses traducteurs rendent par « bière pyramidale, » ne serait pas le type des Stûpas[3].

  1. J. Low, dans Transact. of the roy. Asiat. Soc. of Greal-Britain, t. III, p. 69.
  2. Ainsi le mot mâra s’écrit indifféremment, selon la Loubère, mar ou man, et se prononce toujours man. (Du roy. de Siam, t. I, p. 532.) Voyez aussi J. Low, Gramm. of the Thai, p. 5,’ et la grammaire récente de M. Pallegoix, publiée à Bangkok en 1850, sous ce titre Grammatica linguœ Thai, in-4o, p. 11. Il y est dit que la lettre r simple ou doublée, ainsi que les deux liquides l et finales d’une syllabe, se prononcent n. Cette règle sert à expliquer un grand nombre de mots sanscrits que la prononciation siamoise défigure d’une manière barbare, et que n’interprète pas l’auteur de cet ouvrage rempli d’ailleurs de renseignements curieux. En voici quelques-uns : à la page 5, un mot écrit sikhar (sanscr. çikhara), se lit sihhoii :par (s. fora), son ; p. 6, çaçidhar (s. çaçidhara], sasithon ; dkchar (s. akchara), ahson ; p. 7, sar (s. sâra), sàn ; sùnghâr {s. samhâra), sanyliân ; hesar (s. hêçara), hesôn ; samphâr [s. samlhâra), sumphan ; sumtkar (s. sundara), sîmthon ; p. 8, samar (s. samara), samon ; sangsâr (s. saihsâra), sônsàn ; namasahâr (s. namaskâra], nàmâdsàkan.
  3. Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XVII, p. 74.