Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/683

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
642
APPENDICE. — N° VIII.

autres, et qu’on fait naître auprès d’un lac himâlayen de ce nom[1]. Cette dénomination de Tchhaddanta rappelle l’éléphant aux six défenses, Chaddanta, sous la figure duquel les Buddhistes du Nord croient que le Bôdhisattva s’incarna dans le sein de Mâyâ dêvî[2]. Je serais tenté de supposer que l’orthographe de Tchhaddanta, que nous savons être familière aux Buddhistes de Ceylan et de Siam, doit son origine à une particularité de l’orthographe pâlie, où le nom de nombre sanscrit chaṭ, « six, » se change quelquefois en tchhal ou même en tchha. Quoi qu’il en soit, le symbole qui nous occupe paraît également sous le n° 55 de la liste de Baldæus, où il est ainsi défini : « l’éléphant à trois têtes et à trois queues. » Si c’est de cette manière que les Buddhistes de l’Inde transgangétique se représentent ce fabuleux animal, l’explication de son nom de chaddanta est toute trouvée ; s’il a trois têtes, il doit avoir six défenses : mais je ne me souviens pas d’avoir vu ailleurs l’indication de cette monstruosité. Je trouve même une autre interprétation du nom de « qui possède six défenses, » laquelle est encore suffisamment merveilleuse, mais qui choque un peu moins le bon sens. Suivant l’opinion d’un Barman instruit, il existait autrefois dix espèces d’éléphants, et le roi de la première espèce se nommait Chaddanta, en barman Tchaddan, parce qu’il sortait de ses défenses des jets de lumière colorés de six manières différentes[3]. Il nous resterait à expliquer la qualification de « roi de l’Himalaya, » qui est attribuée à cet éléphant. Sans doute les Buddhistes du Sud ont pu croire qu’il existait des éléphants dans l’Himalaya, puisque cette idée a été conservée par le Mâhâvam̃sa ; et on a pu d’autant plus facilement y être conduit, que c’est dans les parties montagneuses de la presqu’île indienne et de Ceylan que naissent, au rapport des indigènes, les éléphants les plus intelligents et les plus forts. Il se pourrait cependant qu’elle tînt à une tradition plus ancienne, à celle par exemple que Weber a trouvée dans le Vâdjasanêyi sam̃hitâ du Yadjurvêda, et qui prouve que, selon les Brahmanes, l’éléphant était consacré à l’Himalaya[4], peut-être par suite d’un jeu de mots entre naga, « montagne, » et nâga, « né dans la montagne. »

Le n° 65 de la liste de Low, Hera, « Çiva, » paraît isolé dans cette liste, où nous ne voyons d’autre divinité brahmanique que Brahmâ. Rien n’en annonce la présence dans la liste singhalaise, et sur la planche de Low je ne vois au-dessous de l’image de Brahmâ qu’un personnage à quatre bras, qui rappelle plutôt Ganêça que toute autre divinité. Peut-être Hera n’est-il ici que l’altération du nom sanscrit Hêramba, par lequel on désigne aussi Ganêça. Si cela était, cet article devrait être placé non parmi les dédoublements, mais parmi les additions nouvelles que nous donnent la liste et la planche de Low.

Je ne puis voir autre chose qu’un double emploi dans le n° 72 de la liste de Low, Baraphet, « neuf espèces de pierres précieuses, « rapproché du seizième article de la liste singhalaise maṇiya, « le joyau. » J’ai déjà dit qu’il n’était pas facile de retrouver sur la planche de Low la figure réelle des joyaux ou pierres précieuses. Aux conjectures que j’ai faites sur les articles 16 et. 17 de la liste du Dharma pradîpika, j’ajouterai seulement cette observation, qu’on a peut-être voulu représenter des objets précieux dans les comparti-

  1. Turnour, Mahâwanso, t. I, chap. xxii, p. 134.
  2. Lalita vistara, f. 34 a de mon man. A ; Rgya tch’er rolpa, t. II, p. 52.
  3. Wroughton, Account of two Burmese Bells, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VI, 2e part.  p. 1071.
  4. Indische Studien, t. I, p. 180.