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APPENDICE. — No XIII.

faction, comment pourrait-il être agité par les choses du dehors, et quelle difficulté pourrait-il rencontrer à maîtriser un cœur qui n’a rien à désirer.

Ici nous entrons dans l’ordre moral ; il est cependant facile de voir comment cette faculté du contentement résulte des lumières qu’a dû apporter à l’esprit du sage la pratique des facultés précédentes. Au contentement, source de l’empire que le sage exerce sur lui-même, succède « la confiance. » Cette faculté, à la fois intellectuelle et morale, a un but pratique : elle assure au sage la parfaite exécution de ses devoirs. Au premier abord, on saisit moins sûrement le lien qui rattache cette faculté de la confiance à la faculté suivante, celle de l’empire qu’on exerce sur soi-même. Il est cependant naturel que la confiance figure à cette place parmi les attributs les plus élevés du sage ; nous venons de constater qu’il y était déjà conduit par le contentement, et de plus, il est aisé de reconnaître comment il n’arrive à être complètement maître de lui-même, que quand il est muni de la confiance qui, en lui garantissant le succès de ses entreprises, le rassure contre celles du dehors. L’empire qu’il exerce sur son cœur lui fait voir d’ailleurs toutes choses d’un même regard ; parfaitement maître de lui, les choses ont perdu le pouvoir de lui apparaître comme agréables ou désagréables. Cette faculté le mène directement à la faculté suivante, celle de « l’indifférence ou du dédain, » attribut à la fois intellectuel et moral comme le précédent, mais qui tourne court dans le Buddhisme, partant d’une théorie applicable, jusqu’à un certain point, à toute gymnastique, intellectuelle et morale, pour aboutir à cette opinion indienne, que toute naissance est misérable, et qu’il n’en est aucune qui ne mérite le dédain du sage. Arrivé à ce point, où l’ordre intellectuel reprend le dessus sur l’ordre moral, on comprend que l’on n’ait plus qu’un pas à faire pour tomber dans la théorie nihiliste du Nirvâṇa.

XIII.
SUR LES QUATRE DEGRÉS DU DHYÂNA.
(Ci-dessus, chap. v, f. 72 b, p. 377.)

Il est à tout instant question dans les textes sanscrits du Nord, comme dans les textes pâlis de Ceylan, des quatre degrés du Dhyâna, ou des quatre méditations ou contemplations. Ces quatre contemplations peuvent passer pour le couronnement de la vie philosophique et de la vie mortelle de Çâkyamuni ; car, d’un côté, le Lalita vistara nous apprend que la vocation supérieure d’un Buddha se révéla pour la première fois au jeune Siddhârtha par l’épreuve qu’il fit des quatre contemplations[1] et d’un autre côté, quand, devenu solitaire sous le nom de Câkyamuni, il eut triomphé dans sa lutte contre le vice, nous le voyons, d’après le même livre, couronner sa victoire par la pratique de ces contemplations supérieures[2]. De même, lorsque Çâkyamuni, arrivé au terme de son existence mor-

  1. Lalita vistara, chap. xi, f. 70 a de mon man. A ; Rgya tcher rol pa, t. II, p. 125.
  2. Lalita vistara, chap. xxii, f. 178 a de mon man. A ; Rgya tcher rol pa, t. II, p. 328.