Aller au contenu

Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BALZAC 97 peine expliqué avant cinquante ans. Quand un auteur n’écrit pas de Mémoires proprement dits, la famille, par respect humain, laisse le plus long temps qu’elle peut reposer la cendre de son chef. On a pu voir par la repré- sentation de Mercadet les colères, les rancunes, les haines qui s’étaient réveillées dans la littérature con- temporaine. A quelles interprétations n’aurait pas donné lieu la correspondance intime de Balzac, celle qui est de nature à être publiée 1 ?s’a-t-on pas vu les singulières comédies jouées sur le dos des Mémoires de M. de Cha- teaubriand? Un procès inattendu u’a-t-il pas coupé subi- tement, dès le début, la Correspondance de Benjamin Constant, qui montrait sous un nouveau jour le doctri- naire auteur d’Adolphe? D’après quelques lectures, il me semble que l’Allemagne honore plus vite que nous les grands hommes morts. Les biographies sont immenses, avec mille détails intimes. Ce qui a été écrit sur Goethe, par ses amis, par ses enne- mis, est considérable. Ses conversations seules forment plusieurs volumes. Les Allemands ne craignent pas de dés- habiller un grand homme mort devant ses contemporains. Au contraire, nous, le peuple léger et bavard, qui fai- sons souffrir le plus possible l’homme de génie de son vivant, à peine est-il enterré, que nous sommes pris d’une espèce d’hypocrisie sans but. Peut-être agissons- nous ainsi envers les autres pour qu’il en soit fait de même envers nous. Balzac homme est bien peu connu ; Balzac écrivain ne l’est guère plus. Ceux qui croient à sa première incarna- tion dans les divers pseudonymes de lord Bhoone, lord Viellerglé, Horace de Saint-Aubin, ne connaissent pas le