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RICHARD WAGNER

printemps, accourront de toute l’Allemagne chefs d’orchestre, maîtres de chapelle, cantatrices, chanteurs et choristes, toute une armée d’Allemands, empressés de recevoir les instructions de l’artiste.

L’audition à Paris des deux opéras de Wagner ne sera qu’une sorte de répétition donnée à l’Allemagne ; mais quel intérêt offrira cette répétition ! Et ne faut-il pas remercier le Destin qui pousse à son gré les hommes çà et là, les transplante de leur pays natal pour répandre les idées nouvelles sur une terre étrangère ?

L’homme est sacrifié, mais l’Art y trouve son compte.


Je cherche, et je ne trouve nulle part de martyre comparable à celui de Wagner.

Dans son œuvre pas de colères !

J’aurais voulu entendre un fragment plein de tempêtes et de dissonances, qui fit mal aux oreilles, qui blessât le public jusqu’au sang. Par là l’artiste se serait vengé. Quel beau spectacle que celui d’hommes qui interdisent à un artiste de baiser le sol natal et qui en sont punis par le châtiment de mélodies agaçantes, faisant grincer les dents de ceux qui les écoutent, s’accrochant au souvenir comme un voleur à un habit, apportant dans la nuit des cauchemars vengeurs !

Wagner s’est montré plus noble.

La beauté, la grandeur et le calme semblent les piédestaux sur lesquels il a posé ses légendes.

Chacun de ses opéras est une aspiration à cette musique de l’avenir dont les sots et les gens frivoles ont parlé sans la connaître.