Page:Champollion - Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829.djvu/209

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cependant encore supportable. Notre caravane s’y est donc établie le jour même, et nous occupons le meilleur logement et le plus magnifique qu’il soit possible de trouver en Égypte. C’est le roi Rhamsès (le ive de la XIXe dynastie) qui nous donne l’hospitalité, car nous habitons tous son magnifique tombeau, le second que l’on rencontre à droite en entrant dans la vallée de Biban-el-Molouk. Cet hypogée, d’une admirable conservation, reçoit assez d’air et assez de lumière pour que nous y soyons logés à merveille ; nous occupons les trois premières salles, qui forment une longueur de 65 pas ; les parois, de 15 à 20 pieds de hauteur, et les plafonds sont tout couverts de sculptures peintes, dont les couleurs conservent presque tout leur éclat ; c’est une véritable habitation de prince, à l’inconvénient près de l’enfilade des pièces ; le sol est couvert en entier de nattes et de roseaux ; enfin, les deux kaouas (nos gardes du corps) et les domestiques couchent dans deux tentes dressées à l’entrée du tombeau. Tel est notre établissement dans la vallée des rois, véritable séjour de la mort, puisqu’on n’y trouve ni un brin d’herbe, ni êtres vivants, à l’exception des schacals et des hyènes qui, l’avant-dernière nuit, ont dévoré, à cent pas de notre palais, l’âne qui avait porté mon domestique barabra Mohammed, pendant le