Page:Crépet - Les Poëtes français, t2, 1861.djvu/333

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Qui se cache ? qui fuit devant les yeux de Dieu ?
Vous, Caïns fugitifs, où trouverez-vous lieu ?
Quand vous auriez les vents collez sous vos aisselles,
Ou quand l’aube du jour vous presteroit ses aisles,
Les monts vous ouvriroient le plus profond rocher,
Quand la nuict tascheroit en sa nuict vous cacher,
Vous enceindre[1], la mer, vous enlever, la nue,
Vous ne fuirez de Dieu ny le doigt ny la veue.
Or voicy les lions de torches aculez,
Les ours à nez percé, les loups emmuzelez.
Tout s’eslève contre eux : les beautez de Nature,
Que leur rage troubla de venin et d’ordure,
Se confrontent en mire[2] et se lèvent contr’eux.
« Pourquoy (dira le feu) avez-vous de mes feux,
Qui n’estoient ordonnez qu’à l’usage de vie,
Faict des bourreaux, valets de vostre tyrannie ? »
L’air encor une fois contr’eux se troublera,
Justice au juge sainct, trouble, demandera.
Disant : « Pourquoi, tyrans et furieuses bestes,
M’empoisonnastes-vous de charongnes[3], de pestes,
Des corps de vos meurtris[4] ? — Pourquoy, diront les eaux,
Changeastes-vous en sang l’argent de nos ruisseaux ? »
Les monts qui ont ridé le front à vos supplices :
« Pourquoy nous avez-vous rendus vos précipices ? »
« Pourquoy nous avez-vous, diront les arbres, faicts,
D’arbres délicieux, exécrables gibets ? »
....................


L’HYVER

Mes volages humeurs, plus sterilles que belles,
S’en vont ; et je leur dis : Vous sentez, irondelles,
S’esloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures,

  1. Envelopper.
  2. En face, vis-à-vis.
  3. Charognes.
  4. Morts.