Page:Davray-Rigal - Anthologie des poètes du Midi, 1908, éd2.djvu/29

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Et qui fume, le soir, vers une voûte d’arbres.
C’est là, dis-moi, qu’il eût fait bon de vivre
Et de suivre les courbes lentes
D’une eau qui prête ses méandres
À toutes les songeries,
Tout en voguant vers des îles
Où l’on n’arriverait jamais.
Et la barque emportait notre rêve
D’une Majorque fortunée
Où passeraient, sous des orangers,
Comme de vivantes statues
Aux démarches fières, voluptueuses et souples,
De beaux êtres sans pensée et qui s’en vont nus,
Et qui laisserait pendre à hauteur de nos bouches,
Loin de nos bords mélancoliques,
Ses fruits, sans nous donner le mal de les cueillir.
L’homme du gouvernail, debout à l’arrière,
Se dressait comme un épique Jason
Guidant la conquête de la Toison,
Et ramenant encore, sur la mer violette.
Dorée et rouge cargaison,
Tout le butin des Hespérides.
Et comme l’Orient vermeil
Dans l’onde renversait un liquide incendie,
La barque légendaire entra dans le soleil.

(L’Arbre qui saigne.)