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Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/117

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dons le bien, & quand nous eſpérons la clarté que les ténèbres viennent ? Paraîtras-tu bientôt sur la terre, divin Meſſie ? Quand les chrétiens se cacheront-ils dans les cavernes & dans les trous de la terre à cauſe de la frayeur qu’ils auront de toi & de ta gloire magnifique lorſque tu te lèveras pour les châtier ?

Et les juifs de s’exclamer :

— Viens, Meſſie ! Suce, Jéhu !

Jéhu suça & rendant sa gorge, s’exclama piteuſement :

— Je vous le dis, en vérité, ceci n’eſt que du bren, & le pèlerin de Flandres eſt un larron.

Tous les juifs alors, se précipitant, ouvrirent le sachet, virent ce qu’il contenait & allèrent en grande rage à la foire pour y trouver Ulenſpiegel, qui ne les avait pas attendus.


L


Un homme de Damme, ne pouvant payer à Claes son charbon, lui donna son meilleur meuble, qui était une arbalète avec douze carreaux bien affilés pour servir de projectiles.

Aux heures où l’ouvrage chômait, Claes tirait de l’arbalète : plus d’un lièvre fut tué par lui & réduit en fricaſſée pour avoir trop aimé les choux.

Claes alors mangeait goulûment, & Soetkin diſait, regardant la grand’route déſerte :

— Thyl, mon fils, ne sens-tu point le parfum des sauces ? Il a faim maintenant sans doute. Et toute songeuſe, elle eût voulu lui garder sa part du feſtin.

— S’il a faim, diſait Claes, c’eſt de sa faute ; qu’il revienne, il mangera comme nous.

Claes avait des pigeons ; il aimait, de plus, à entendre chanter & pépier autour de lui les fauvettes, chardonnerets, moineaux & autres oiſeaux chanteurs & babillards. Auſſi tirait-il volontiers les buſes & les éperviers royaux mangeurs de populaire.

Or, une fois qu’il meſurait du charbon dans la cour, Soetkin lui montra un grand oiſeau planant en l’air au-deſſus du colombier.