Aller au contenu

Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ère. J’ai tout dit, tout, grâce & merci ! Ôtez les diables. Dieu Seigneur, vierge Marie, Jéſus, intercédez pour moi ; éloignez les feux de l’enfer ; je vendrai tout, je donnerai tout aux pauvres & je ferai pénitence.

Ulenſpiegel, voyant que la foule des bourgeois était prête à le soutenir, sauta du chariot à la gorge de Spelle & le voulut étrangler.

Mais le curé vint.

— Laiſſez-le vivre, dit-il ; mieux vaut qu’il meure de la corde du bourreau que des doigts d’un fantôme.

— Qu’allez-vous en faire ? demanda Ulenſpiegel.

— L’accuſer devant le duc & le faire pendre, répondit le curé. Mais qui es-tu ? demanda-t-il.

— Je suis, répondit Ulenſpiegel, le maſque de Michielkin & le perſonnage d’un pauvre renard flamand qui va rentrer au terroir de peur des chaſſeurs eſpagnols.

Dans l’entre-temps, Pieter de Rooſe s’enfuyait à toutes jambes.

Et Spelle ayant été pendu, ses biens furent confiſqués.

Et le roi hérita.


XXXIII


Le lendemain, Ulenſpiegel marcha sur Courtray en longeant la Lys, la claire rivière.

Lamme cheminait piteuſement.

Ulenſpiegel lui dit :

— Tu geins, lâche cœur regrettant la femme qui te fit porter la couronne cornue du cocuage.

— Mon fils, dit Lamme, elle me fut toujours fidèle, m’aimant aſſez comme je l’aimais trop, moi, mon doux Jéſus. Un jour, étant allée à Bruges, elle en revint changée. Dès lors, quand je la priais d’amour, elle me diſait :

— Il me faut vivre avec toi comme amie, non autrement.

Alors, triſte en mon cœur :

— Mignonne aimée, diſais-je, nous fûmes mariés devant Dieu. Ne fis-je point pour toi tout ce que tu voulais ? Ne m’accoutrai-je point maintes fois d’un pourpoint de toile noire & d’un manteau de futaine afin de te voir,