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Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/511

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— Ne songes-tu point, dit-elle, que je vais être céans bien inquiète de toi ?

— Mignonne, dit Ulenſpiegel, ma peau eſt de fer.

— Tu te gauſſes, dit-elle. Je ne te vois que ton pourpoint, lequel eſt de drap non de fer ; deſſous eſt ton corps, fait d’os & de chair comme le mien. Si on te bleſſe qui te panſera ? Mourras-tu tout seul au milieu des combattants ? J’irai avec toi.

— Las ! dit-il, si les lances, boulets, épées, haches, marteaux m’épargnant tombent sur ton corps mignon, que ferai-je, moi, vaurien, sans toi, en ce bas monde ?

Mais Nele diſait :

— Je veux te suivre, il n’y aura nul danger ; je me cacherai dans les fortins de bois où sont les arquebuſiers.

— Si tu pars, je reſte, & l’on reputera traître & couard ton ami Ulenſpiegel ; mais écoute ma chanſon :

Mon poil eſt fer, c’eſt mon chapeau.
Nature eſt mon armurière ;
De cuir eſt ma peau première,
L’acier ma seconde peau.

En vain la laide grimacière
Mort, veut me prendre à son appeau :
De cuir eſt ma peau première,
D’acier ma seconde peau.

J’ai mis : « Vivre » sur mon drapeau,
Vivre toujours à la lumière :
De cuir eſt ma peau première,
D’acier ma seconde peau.

Et chantant il s’en fut, non sans avoir baiſé la bouche grelottante & les yeux mignons de Nele enfièvrée, souriant & pleurant, tout enſemble.

Les Gueux sont à Anvers, ils prennent des navires albiſans juſques dans le port. Entrant en ville, en plein jour, ils délivrent des priſonniers, en font d’autres pour servir de rançon. Ils font lever les bourgeois de force, & en contraignent quelques-uns à les suivre, sous peine de mort, sans parler.

Ulenſpiegel dit à Lamme :

— Le fils de l’amiral eſt détenu chez l’écoutête ; il faut le délivrer.

Entrant en la maiſon de l’écoutête, ils voient le fils qu’ils cherchaient en