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Page:Delvau - Gérard de Nerval, 1865.djvu/27

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GÉRARD DE NERVAL

que je m’écriai : « Mon père, tu me fais mal ! » De ce jour, mon destin changea.

« Tous trois revenaient du siège de Strasbourg. Le plus âgé, sauvé des flots de la Bérésina glacée, me prit avec lui pour m’apprendre ce qu’on appelait mes devoirs. J’étais faible encore, et la gaieté de son plus jeune frère me charmait pendant mon travail. Un soldat qui les servait eut l’idée de me consacrer une partie de ses nuits. Il me réveillait le matin avant l’aube, et me promenait sur les collines voisines de Paris, me faisant déjeuner de pain et de crème dans les fermes ou dans les laiteries.

« Une heure fatale sonna pour la France. Son héros, captif lui-même au sein d’un vaste empire, voulut réunir dans le Champ de Mai l’élite de ses héros fidèles. Je vis ce spectacle sublime dans la loge des généraux. On distribuait aux régiments des étendards ornés d’aigles d’or, confiés désormais à la fidélité de tous. Un soir, je