Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/103

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95-07- Premières Objections. 77

raifons pour fubjlituer à ce que les autres n'ont peut-ejlre \ pas ajfe^ 122 fuffifamment expliqué, ny déduit ajfe^ clairement.

Enfin ie conuiens auec ce grand homme, en ce qu'il établit pour règle générale, que les chofes que nous conceuons fort clairement & fort diftinctement font toutes vrayes. Me/me ie croy que tout ce que ie pen/e efi vraj-, \ & il y a défia long-temps que i'ay rejioncé à toutes les chymeres & à tous les efires de rai/on, car aucune puijfance ne fe peut dejlourner de fon propre objed :fi la volonté fe meut, elle tend au bien; lesfens /ne/mes ne/e trompent point, car la veuë void ce qu'elle void, l'oreille entend ce qu'elle entend, & fi on void de l'oripeau, on void bien ; mais on fe trompe lo?-fqu'on détermine par fon iugement, que ce que l'on void efi de l'or. De forte que Monfieur Des-Cartes attribue auec beaucoup de raifon toutes les erreurs au iugement & àla volonté.

Mais maintenant voyons fi ce qu'il veut inférer de cette règle efi véritable. le connois, dit-il, clairement & diftindement l'Eftre in- fîny; donc c'eft vn eftre vray & qui cft quelque chofe. Quelqu'm luy demandera : Connoiffe\-vous clairement & difiinclement l'Efire infiny? Que veut donc dire celte commune fentence, laquelle efi connue d'vn chacun : L'infiny, en tant qu'infiny, eft inconnu? Car fi, lorfque iepefifeà vn Chyliagone, me reprefentant confufément quelque figure, ie n'imagine ou ne connais pas di/Iinâement le Chyliagone, parce que ie ne me reprefente pas difiinâemeni fes mille cofie\, comment efi-ce I que ie conceuray difiiuâement, & non pas confufément, l'E/lre 123 infiny, en tant qu'infiny, veu que ie ne puis pas voir clairement, & comme au doigt & à l'œil, les infinies perfeâions dont il efi compofe ?

Et c'efi peut-efire ce qu'a voulu dire Saint Thomas ; car, ayant nié que cette propofition, Dieu ell, fufi claire & connue fans preuue, il fe fait à foy-mefme cette objeâion des paroles de Saint Damafcene: La connoiffance que Dieu eft, ell naturellement emprainte en l'ef- prit de tous les hommes ; donc c'elt vne chofc claire, & qui n'a point befoin de preuue pour eltre connue. A quoy il refpond : Con- noiilre que Dieu ell, en gênerai, &, comme il dit, fous quelque confufion, à fçauoir en tant qu'il elt la béatitude de l'homme, cela eft naturellement imprimé en nous; mais ce n'eft pas, dit-il, \con- noiftre fimplement que Dieu e(l ; tout ainli que connoirtre que quelqu'vn vient, ce n'clt pas connoiflre Pierre, encore que ce foit Pierre qui vienne, &c. Comme s'il voulait dire que Dieu eft connu fous vne raifon commune, ou de fin dernière, ou mefme de premier efire, & Ires-parfait, ou enfin fous la raifon d'vn efire qui comprend & embraffe confufément & en gênerai toutes chofes, }nais non pas fous

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