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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/141

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'46-147- Secondes Réponses. i i ^

dépend leur connoillance ; & pour ce, nous ne pouuons pas alors en douter. Mais, parce nous pouuons oublier les raifons, & cependant nous reffouuenir des conclurions qui en ont elle tirées, on demande fi on peut auoir vne ferme & immuable perfuafion de ces conclu- rions, tandis que nous nous reffouuenons qu'elles ont elle déduites de principes tres-euidens ; car ce fouuenir doit eltre fupofé pour pouuoir eftre apellées conclufions. Et ie répons que ceux-là en peuuent auoir, qui connoilTent tellement Dieu, qu'ils fçauent qu'il ne fe peut pas faire que la faculté d'entendre, qui leur a elté don- née par luy, ait autre chofe que la vérité pour objet ; mais que les autres n'en ont point. Et cela a eûé fi clairement expliqué à la fin de la cinquième Méditation, que | ie ne penfe pas y deuoir icy rien 190 adjoufter.

I En cinquième lieu, ie m'étonne que vous niiez que la l'olonté je mel en danger de faillir, lorfqu'elle poinfuil & embrajj'e les connoif- fances objcures & confiifes de l'entendement . Car qu'eft-ce qui la peut rendre certaine, fi ce qu'elle luit n'eft pas clairement conneu ? Et quel a iamais efté le Philofophe ou le Théologien, ou bien feu- lement l'homme vfant de railbn, qui n'ait confelTé que le danger de faillir où nous nous expofons, eft d'autant moindre, que plus claire efl la chofe que nous conceuons auparauant que d'y donner noilre consentement ? & que ceux-là pèchent, qui, fans connoiflance de caufe, portent quelque iugement? Or nulle conception n'eft dite obfcure ou confufe, finon parce qu'il y a en elle quelque chofe de contenu, qui n'eft pas connue

Et partant, ce que vous objedez touchant la foj- qu'on doit em- braser, n'a pas plus de force contre moy, que contre tous ceux qui ont iamais cultiué la raifon humaine; &, à vray dire, elle n'en a aucune contre pas vn. Car, encore qu'on die que la foy a pour objet des choies obfcures, neantmoins ce pour quoy nous les croyons n'eft pas obfcur ; mais il eft plus clair qu'aucune lumière natu- relle. D'autant qu'il faut diftinguer entre la matière, ou la chofe à laquelle nous donnons noftre créance, & la raifon formelle qui meut noftre volonté à la donner. Car c'eft dans cette feule raifon formelle que nous voulons qu'il y ait de la clarté & de l'euidence.

I Et quant à la matière, perfonne n'a iamais nié qu'elle peut eitre 191 obfcure, voire l'obfcurité mefme ; car, quand ie luge que l'obfcu- rité doit eftre oftée de nos penfées pour leur pouuoir donner noftre contentement fans aucun danger de faillir, c'eft l'obfcu- rité mefme qui me fert de matière pour former vn iugement clair & diftincl.

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