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2 28 OEuVRES DE DeSCARTES. 425-426.

que des chofes que nous conceuons clairement & diftindement eftre diuerfes & indépendantes, ne puill'ent pas eftre feparées, au moins par la toute puiffance de Dieu ; de forte que, tout autant de fois que

3f.2 nous les | rencontrons enfemble dans vn mefme fuiet, comme la penfe'e & le mouuement corporel dans vn mefme homme, nous ne deuons pas pour cela eftimer qu'elles foyent vne mefme chofe en vnité de nature, mais feulement en vnité de compofition.

3. Ce qui eft icy rapo/té des Platoniciens & de leurs fectateurs, eft auiourd'huy tellement décrié par toute l'Egiife Catholique, & communément par tous l,es philofophes, qu'on ne doit plus s'y arefter. D'ailleurs il ell bien vray que le Concile de Latran a conclu qu'on pouuoit peindre les Anges, mais il n'a pas conclu pour cela qu'ils fuffent corporels Et quand en effed on les croiroit eftre tels, on n'auroit pas raifon pour cela de penfei que leurs efpris fuffent plus infeparables de leurs corps que ceux des hommes ; & quand on (foudroit auffi feindre que l'ame humaine viendroit-de père à fils, on ne pouroit pas pour cela conclure qu'elle fuft corporelle, mais feu- lement que, comme nos corps prennent leur naiffance de ceux de nos parens, de mefme nos | âmes procederoient des leurs. Pour ce qui eft des chiens & des fmges, quand ie leur attribuerois la penfée, il ne s'enfuiuroit pas de là que l'ame humaine n'eft point diftincle du corps, mais plutoft que dans les autres animaux les efpris & les corps font aufli diftinguez : ce que les mefmes Platoniciens, dont on nous vantoit tout maintenant l'autorité, ont eftimé auec Pythagore,

363 comme leur Metempfycofe fait affez connoiftre. Mais pour | moy, ie n'ay pas feulement dit que dans les beftes il n'y auoit point de penfée, ainfi qu'on me veut faire acroire, mais outre cela ie l'ay prouué par des raifons qui font fi fortes, que iufques à prefent ie n'ay veu perfonne qui ayt rien oppofe de confiderable à l'encontre. Et ce font plutoft ceux qui affurent que les chiens fçaiient en veillant qu'ils courent, £■ mefme en donnant qu'ils aboyent, & qui en parlent comme s'ils eftoyent d'intelligence auec eux, & qu'ils viffent tout ce qui fe paffe dans leurs cœurs, lefquels ne prouuent rien de ce qu'ils difent. Car bien qu'ils adioutent '.qu'ils ne peuuent pas fe perfuader que les opérations des hefles puiffent eftre fufif animent expliquées par le moyen de la mechaniqUe,fans leur atribiier nj-fens, ny aine, iiy vie (c'eft à dire, félon que ie l'explique, fans la penfée; car ie ne leur ay iamais dcnié ce que vulgairement on apelle vie, ame corporelle, & fens organique), qu'au contraire ils veulent fout enir, au dédit de ce que l'on voudra, que c'eft vne chofe tout affait impofl'ible & me/me ridi- cule, cela neantmoins ne doit pas eftre pris pour vne preuue : car il

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