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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/51

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31-33. Méditations. — Seconde. 25

mais feulement vne infpection de l'efprit, laquelle peut eltre impar- faite & confufe, comme elle eftoit auparauant, ou bien claire & diftinfte, comme ^lle eft à prefent, félon que mon attention fe porte plus ou moins aux chofes qui font en elle, & dont elle eft compofée.

Cependant ie ne me fçaurois trop étonner, quand ie confidere combien mon efprit a de foibleffe, & de pente qui le porte infenfi- blemènt dans l'erreur. Car encore que fans parler |ie confidere tout cela en moy-mefme, les paroles toutesfois m'arreftent, & ie fuis prefque trompé par les termes du langage ordinaire; car nous di- fons que nous voyons la mefme cire, fi on j nous la prefente, & non 29 pas que nous iugeons que c'eft la mefme, de ce qu'elle a mefme cou- leur & meime figure : d'où ie voudrois prefque conclure, que l'on connoift la cire par la vifion des yeux, & non par la feule infpedion de l'efprit, fi par hazard ie ne regardois d'vne feneftre des hommes qui pallent dans la rue, à la veuë defquels ie ne manque pas de dire que ie voy des hommes, tout de mefme que ie dis que ie voy de la cire ; Et cependant que voy-je de cette feneftre, finon des chapeaux & des manteaux, qui peuuent couurir des fpedres ou des hommes feints qui ne fe remuent que par reftbrs? Mais ie iuge que ce font de vrais hommes, & ainfi ie comprens, par la feule puiffance de iuger qui refide en mon efprit, ce que ie croyois voir de mes yeux.

Vn homme qui tafche d'éleuer fa connoiffance au delà du com- mun, doit auoir honte de tirer des occafions de douter des formes & des termes de parler du vulgaire ; i'ayme mieux pafl"er outre, & confiderer fi ie conceuois auec plus d'euidence & de perfection ce qu'eftoit la cire, lorfque ie l'ay d'abord apperceuë, & que i'ay creu la connoiftre par le moyen des fens extérieurs, ou à tout le moins du fens commun, ainfi qu'ils appellent, c'eft à dire de la puiffance imaginatiue, que ie ne la conçoy à prefent, après auoir plus exade- ment examiné ce qu'elle eft, & de quelle façon elle peut eftre con- nue'. Certes il feroit ridicule de mettre cela en doute. Car, qu'y auoit-il dans cette première perception qui fuft diftinél & éuident, & I qui ne pouroit pas tomber en mefme forte dans le fens du moindre 30 des animaux? Mais quand ie diftingue la cire d'auec fes formes exté- rieures, & que, tout de mefme que fi ie luy auois ofté fes vefte- mens, ie la confidere toute nuë, certes, quoy qu'il fe puiffe encore rencontrer quelque erreur dans mon iugement, ie ne la puis con- ceuoir de cette forte fans vn efprit humain.

I Mais enfin que diray-ie de cet efprit, c'eft à dire de moy-mefme? Car iufques icy ie n'admets eu moy autre chofe qu'vn efprit. Que prononceray-je, dis-je, de moy qui femble conceuoir auec tant de Œuvres. IV, 4

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