Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/268

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plus d’être un art plus ou moins empirique, mais qu’elle sera devenue aussi une science, fondée sur l’anatomie : que ne pourra-t-elle pas ? Nous préserver de l’affaiblissement de la vieillesse, et retarder peut-être de deux ou trois siècles l’heure de la mort[1]. C’est le rêve du vieux Faust, au milieu de ses fourneaux d’alchimiste, repris par un philosophe moderne, et dont la science ferait une réalité. La Morale enfin, ou la troisième de ces applications de la Physique, lorsqu’elle sera aussi traitée scientifiquement, — et ceci complète bien le rêve d’une sorte de paradis en ce monde, — nous donnera sur nos passions, c’est-à-dire au dedans de nous aussi bien qu’au dehors, un pouvoir presque absolu[2].

Voilà pourquoi Descartes publie son Discours de la Méthode avec des Essais de cette Méthode. Il voudrait associer le public à sa réforme et à son œuvre, convier ceux qui le peuvent à entreprendre les expériences nécessaires, et faire entrevoir l’avenir qui attend l’humanité, si elle s’engage résolument dans les voies de la science. Ce philosophe, qui affecte de ne s’étonner de rien et de ne rien admirer, est au fond un enthousiaste ; la crise passagère de mysticisme, en cette nuit du 9 novembre 1619, dont il nous a conservé le souvenir, n’est rien en comparaison de cet enthousiasme pour la science, qu’il laisse voir ingénument à la fin du Discours, et qui demeure le principal ressort de son activité scientifique. L’enthousiasme d’ailleurs ne se retrouve-t-il pas ainsi dans l’âme de tous les héros ?

  1. Tome VI, p. 62, l. 28-29.
  2. Tome XI, p. 368-370.