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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/591

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Descartes en Suède. 547

Notre philosophe n'eut d'autre occupation scientifique que de relever, chaque matin, la hauteur du vif-argent dans des tuyaux de verre'; du fond de l'Auvergne, Pascal avait prié Chanut de faire ces observations à Stockholm, afin de les comparer à celles que lui-même faisait à Clermont-Ferrand : en l'absence de Chanut, Descartes s'acquitta volontiers de ce soin, ne gardant point rancune à Pascal, de l'avoir oublié en 1648. Il voulut toutefois, ne devant pas demeurer longtemps en Suède, y laisser au moins une marque de son passage. A la demande de la reine, il rédigea les statuts *" d'une Académie. L'un d'eux est significatif: interdiction aux étrangers d'en faire partie. Le philosophe entendait sans doute ménager par là les susceptibilités des savants de Suède ; mais peut-être aussi voulait-il rester libre de s'en aller, sans qu'on pût avoir aucune raison de le retenir.

On parlait cependant pour lui d'un établissement avanta- geux, comme il n'en avait point trouvé en France. Mais lequel eût-ce été ? Christine ne pouvait guère disposer, en faveur d'un étranger, que de quelque bénéfice dans les territoires d'Allemagne que la paix de Westphalie venait d'attribuer à la Suède. Ici encore c'eût été, par une singulière ironie des choses, aux dépens de quelque monastère, que la reine luthérienne eût dépouillé sans scrupule après sécularisation. Et comment Descartes, si catholique, aurait-il pu, en conscience, accepter un bienfait de cette origine ? Son ami Chanut s'y serait opposé, comme il l'avait fait déjà, pour un autre Français, celui-là calviniste, le médecin Du Ryer? Celui-ci s'était fait octroyer

» rendu difcret & retenu, qu'il ne parloit prefque jamais fans édifier, ni » fans imprimer du refpect & de l'eftime pour la Religion qu'il profelToit. » C'eft ce qui fit dire à un Capitaine de Vaiffeau, [en marge : Rél. » MS. de Porl. & Chanut], qui étoit Déifte & Libertin, que s'il avoit » à choifir une fecle de Religion, il n'en prendroit point d'autre que » celle de M. Defcartes, après quelques entretiens qu'il avoit eus avec » luy. » Voir encore ci-avant, p. biy, et t. IV, p. 3i8-3i9.

a. Tome V, pp. 447-449 et 475-476. Voir ci-avant, p. SiS-Sig.

b. Tome XI, p. 663-665. Et t. V, p. 476-477.

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