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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/100

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le p’tit gars du colon

pouvoir se passer pour reposer, manger et dormir !

Personne ne se plaignit.

Et l’on soupa maigrement ; on se coucha dans les deux ou trois brassées de foin sorties du traîneau ; on se blottit sous les deux seules couvertures.

Et le sommeil vint tout de même.

∗∗∗

Le réveil fut ce que l’on devine. De son nid de foin sortit l’homme, tout raidi sous la nuit glaciale, endolori par la planche rugueuse.

Un escabeau traînait près du poêle éteint ; il s’assit, inclinant la tête, brusquement, dans ses deux mains ; et, les coudes rivés aux genoux, longtemps il resta figé dans son rêve malsain. Un méchant démon lui versait l’amertume au cœur, goutte à goutte, la désespérance, le fiel des abîmes maudits.

Il ne voyait donc pas, l’homme au front penché vers son malheur, il ne voyait pas que le jour brillait, dehors, baigné d’un soleil nouveau ? que la neige souriait au rayon ? que cela faisait une beauté ravissante ? et que si la terre et l’hiver glacé reçoivent de ces caresses lumineuses, notre âme aussi, désolée, froide et tremblante, notre âme chrétienne reçoit la clarté meilleure de la pitié d’un Dieu ?

Le méchant démon soufflait sur cette lumière ; il attisait le feu noir qui fait tout sombre : l’heure