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le p’tit gars du colon

jetées à la rivière. Il s’y mêlait des cris, des rires, parfois des jurons lamentables.

Du moins au chantier Gaudreau, l’homme seul eut de ces impatiences de métier ; les quatre enfants se réjouirent de la besogne neuve ; cela devenait un jeu très plaisant. Deux traverses solides d’épinette rouge vont en pente du gros tas jusqu’à la rive ; et là dessus roulent les billots qui dégringolent, plongent dans le courant rapide, réapparaissent, roulent encore sur eux-mêmes et sont emportés, poussés, traînés, battus par les flots écumants.

Du tas le plus en amont, l’équipe descend au second, puis au troisième, à tous les autres dressés près de la rivière. Et l’on est surpris de leur nombre, et du fier travail accompli, ces quatre mois, dans les neiges, dans le froid glacial, par le groupe vaillant venu de la petite ferme d’Hébertville.

Ah ! qu’ils eussent besogné magnifiquement sur ton lot d’abatis, pauvre colon découragé ! Vois ce qu’ils manœuvrent rondement ces troncs épais, rugueux et pesants… l’un après l’autre… Vire ! vire ! à l’eau !… marche donc, toi !… marche ! marche !… décolle, son sapin !… vas-y, la belle épinette !…

Ah ! le plongeon !… l’eau blanche et froide revole, asperge de gouttelettes rieuses le petit Eugène qui, de sa main nerveuse, frappait, pour l’activer, jusqu’au saut fatal, ce colosse de vieux pin : « Bonsoir ! et bonne chance !… »