Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

V

DIENNÉ

Devant le village de Kouakourou nous avons abandonné le Niger pour un de ces canaux naturels qui vont porter au loin la fertilité par l’inondation. Entre ses bords plus resserrés, entre ses rives moins propices aux ébats des grandes brises rafraîchissantes, il nous semble, alors, avoir abandonné le large d’un océan pour l’intérieur des terres.

Et comme la douzième heure approchait depuis que nous naviguions loin du grand fleuve, tout à coup les Bosos, debout à l’avant de notre barque, cessèrent de pousser leurs perches de bambou. Réfugié à l’ombre sous ma voûte de chaume, leurs silhouettes me cachaient l’horizon. Je voyais l’eau seulement et la berge surélevée, et, ne pouvant m’expliquer leur immobilité ni leur inaction, je m’apprêtais à les morigéner. À mon appel ils se retournèrent bouche bée, et, sans parler, du bras montrèrent devant nous quelque chose qui m’échappait. Puis, d’une voix à peine perceptible, sous l’empire d’une émotion, ils murmurèrent : Dienné !

Pour la première fois ils faisaient ce voyage. Ce qui les bouleversait, c’était l’apparition d’une ville inattendue, telle qu’ils n’en avaient jamais vue, eux qui cependant connaissaient de grandes villes comme Ségou, Niamina, Sansanding. Il y avait une chose que je n’avais jamais vue moi non plus