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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/124

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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

très loin, très loin dans l’Est derrière Gaô », disent-ils unanimement. Et par deux fois, des marabouts ajoutèrent « Une ville du pays de Misr ». Or, au Soudan, le pays de Misr, c’est la vallée du Nil, c’est l’Égypte, le nom venant de Misra qui signifie : Le Caire.

Quel fleuve voyons-nous sur les cartes, à l’est de Gaô ? Aucun, grand ou petit, sinon le Nil. C’est donc sur ses bords uniquement que pouvait s’élever Kokia « située près d’un grand fleuve ». Dès lors on s’explique aisément que l’auteur, pour indiquer l’ancienneté de la ville, ait dit qu’ « elle existait déjà du temps des Pharaons », et que l’un d’eux en « ait fait venir des magiciens pour les opposer à Moïse ». Il est probable que c’est d’un pays proche et vassal de l’Égypte qu’il dut les appeler.

D’autre part, l’Yemen est voisin de la vallée du Nil. L’arrivée de Dialliaman à Kokia[1] est assez naturelle : l’état dans lequel on nous le dépeint à son entrée dans la ville se conçoit, après la traversée du désert qui sépare le Nil de la mer Rouge.

Ferai-je observer encore que le culte du poisson-dieu est éminemment égyptien ? Entre autres dieux, les peuples des Pharaons adoraient des animaux, et, parmi eux, un poisson du Nil leur représentait la déesse Hathor. Les Songhoïs reconnaissant pour dieu un être animé, avaient donc des idées religieuses toutes différentes de celles des autres peuples nègres. Ceux-ci sont fétichistes, en effet, et adorent des objets inanimés : pierres, arbres ou autres.

Il nous faut établir maintenant à quelle époque et com-

  1. Pour identifier Kokia avec une ville de la vallée du Nil, il importerait peut-être de retrouver une cité bâtie sur une île comme Gaô et Dienné, les deux grandes villes songhoïs.

    Le Tarik mentionne au xvie siècle une ville de même nom au sud de Gaô. Mais elle n’a aucun rapport avec celle-ci. On l’appela sans doute Kokia en souvenir de la patrie première des Songhoïs, si tant est que la ville en question ait bien eu ce nom, et qu’il n’y ait pas là une erreur de copiste.