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L’EMPIRE SONGHOÏ

paraître pour toujours du Songhoï. Alors Mohammed ben Abou Bekr monta sur le trône (1494).

« Cette nouvelle étant annoncée aux filles de Sunni Ali, elles s’écrièrent : Askza ! ce qui signifie : « ce n’est pas lui » (alias l’usurpateur). Le mot lui ayant été rapporté, Mohammed ordonna de ne pas lui donner d’autre surnom. On l’appela donc : « Askia Mohammed. »

Nous voici parvenus à la troisième et dernière dynastie qui règne de 1494 à 1591.

Dès son avènement, Askia Mohammed usa d’une politique habile. Il prit à l’égard de la religion une attitude entièrement opposée à celle de Sunni Ali. Tout à coup, il n’y eut pas dans tout le Songhoï un musulman plus fervent que cet ancien compagnon, que cet intime du « scélérat impie ». Il s’efforce de remettre partout en honneur l’Islamisme. Au lieu de devins, son entourage se compose de marabouts. Il les comble de dons et de considération, et prend leur conseil en toutes choses.

En retour, les marabouts s’empressèrent de proclamer la légitimité de son usurpation et l’autorisèrent, en de savantes consultations, à s’emparer du trésor du Conquérant ainsi qu’à dépouiller les dignitaires de l’ancien régime. Ils démontrèrent que Sunni Ali avait été un infidèle dans toute l’horreur du mot, et qu’en conséquence la guerre faite par Askia pour arracher la royauté au dernier Sunni était une guerre excellente et nécessaire, comme une guerre sainte.

Les pieux biographes exultent : Lumière éclatante, qui a illuminé la bonne voie après les plus épaisses ténèbres ; Sauveur qui en s’emparant du pouvoir a arraché les serviteurs de Dieu à l’idolâtrie, et le pays à la ruine ; Soutien de la Foi, qui répand autour de lui la joie, les cadeaux et les aumônes — c’est ainsi qu’ils le représentent.