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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

féré en aval, avaient l’avantage d’être situés sur le Niger même. Dienné néanmoins s’éleva au premier rang. Elle marcha non seulement devant Tombouctou, mais fut parmi les plus grandes places de commerce de l’Islam. Et pourquoi ?

Parce que seule de toutes les villes du Niger occidental, Dienné était une ville songhoï. Parce que ses habitants portaient en eux les germes de la grande civilisation égyptienne. Parce qu’au milieu des ténèbres de barbarie qui couvraient toute la vallée, Dienné fut le point lumineux où apparut l’homme affiné. Parce que cet affinement mettait à la disposition de Dienné des conceptions et des instruments d’exécution ignoré de ses rivales.

Au troc des primitifs, ses voisins, qui se fait de village à village, de marché à marché, elle substitue le grand commerce. Ses habitants conçoivent et créent des « maisons de commerce » au sens européen du mot, pourvues de rouages semblables, d’un personnel analogue. Dans les centres importants, ils ont des représentants fixes, à Tombouctou une succursale. Ils mettent en route des représentants ambulants qui ont tant pour cent sur les affaires par eux conclues et qui ne sont autres que nos commis-voyageurs. Ce personnel se compose de parents, de captifs ou d’hommes libres qui ont besoin de gagner leur vie. Dans le nombre il en est d’indélicats comme chez nous, qui disparaissent avec les marchandises confiées. Ce méfait se caractérise par une expression qui donne lieu à un autre rapprochement. Le patron dit du coupable : « Il a mangé mes cauris » (coquillages-monnaie) qui rappelle savoureusement notre « mangé la grenouille ».

Ainsi organisée, Dienné draine au loin le Soudan, et en particulier le sud de la Boucle du Niger, grâce au Bani, par les marchés de Baramandougou, de San, de Bla. Ses vastes demeures à étage offrent, en leur rez-de-chaussée, de spacieux entrepôts où les marchandises ne sont pas exposées aux pluies et aux multiples parasites, comme chez les autres nègres.