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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

mouches lumineuses encadraient de satellites les astres mouvants. Mais de toutes ces visions et sensations inattendues on ne peut, je le répète, que rendre une bien faible part, et encore, maladroitement. Les fins morceaux qu’offre cette vie ne peuvent, décidément, se goûter dans un fauteuil.

Dioubéba, où se termine le rail du Decauville, est assis dans un ravissant décor de montagnes et d’eau : située en Europe la localité tirerait de bonnes rentes de son paysage. Le Bakoy profondément encaissé forme en ce point une longue chute rocheuse de plusieurs centaines de mètres, semée de rapides et d’écueils écumeux. Autour de l’horizon des croupes de montagnes, et sur les rives des arbres monumentaux d’où pendent de longues guirlandes de lianes. Deux Européens, un sergent du génie, faisant fonction de chef de gare, et un sapeur qui, tout en le secondant, s’occupe du télégraphe, vivent là, parfaitement heureux à ce qu’ils assurent. Ils sont mariés (à la mode du pays, s’entend !) avec de petites indigènes très gaies qui se font mille gentilles manières. Leur société est complétée par « Bibi » un Jeune hippopotame naguère capturé et très bien apprivoisé maintenant. Avec une discrétion insoupçonnable chez un pareil animal, pour ne gêner en rien ses amis dans leurs occupations, il passait ses journées au fond du Bakoy. Voulait-on s’en amuser, on allait sur la berge et on appelait : Bibi ! Bibi ! Bientôt la tête rose de Bibi émergeait ; il vous cherchait de ses petits yeux noirs, puis frétillant et ruisselant accourait se faire caresser.

La route de Dioubéba à Bammakou coupe de l’ouest à l’est à travers le massif du Fouta Dialon qui sépare les bassins du Sénégal et du Niger. Encadrée de paysages qui souvent rappellent les sites de la forêt de Fontainebleau, elle a, en