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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/362

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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

enfui, il a manqué périr ainsi que son armée. Celui qui l’a battu est celui qu’il voulait anéantir. » Je les entends déjà comme si J’y étais ! »

D’autres anecdotes nous montrent les marabouts traitant l’autorité royale avec un sans-gêne qui frise l’insolence. Les souverains, en revanche, font preuve de beaucoup de mansuétude, tant et si bien qu’à la fin du xvie siècle, les hommes pieux et savants sont devenus un élément turbulent et politiquement dangereux.

C’est alors que se produit l’invasion marocaine. Les conquérants, quoique musulmans, ne tardent pas à s’apercevoir que le seul danger vient des mosquées. Tombouctou se révolte contre sa garnison, à l’instigation des marabouts très certainement. Pour les dompter le pacha Mahmoud s’avise d’un expédient de soldat, c’est-à-dire d’une mesure radicale : il les fait arrêter en masse avec leurs familles, et les dépouille le leurs richesses qui étaient devenues considérables. Un certain nombre sont massacrés et les autres, après cinq mois de prison, sont envoyés au Maroc, en exil (1594).

Leurs maux dépassèrent tout ce que leurs ancêtres avaient supporté même sous Sunni Ali. À travers le Désert on les traîna enchaînés vers le couchant et on les incarcéra à Marrakech. Ayant abusé de la bonne fortune, du moins ne s’effondrèrent-ils pas sous les coups de l’adversité. Loin de s’humilier devant le vainqueur cruel, ils gardèrent une attitude ferme et hautaine qui mérite l’admiration. L’un d’eux en mourant chargea un de ses compagnons de remettre au sultan El Mansour un pli cacheté. Quand le sultan l’ouvrit il y lut ces mots : « Tu es l’oppresseur et je suis l’opprimé. Mais l’oppresseur et l’opprimé se retrouveront devant le Souverain Juge ».

Cet exil ne laisse pas d’être du plus haut intérêt au point de vue historique. C’est une pierre de touche permettant de contrôler les éloges que nous avons faits précédemment de la