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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/368

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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

L’explorateur Barth qui le premier en avait révélé des fragments avait confirmé cette erreur. Comment un homme aussi éclairé sur les choses arabes a-t-il pu se tromper aussi complètement ? Les extraits recueillis par lui-même donnaient un démenti à cette paternité. En effet, Ahmed Baba y est cité comme une autorité. Mais le savant allemand ne s’embarrasse pas de si peu : « C’est l’habitude des auteurs arabes, prétend-il, de se citer eux-mêmes. »

S’il avait pu lire l’œuvre entière avec plus d’attention il eût vu que la mort d’Ahmed Baba y est mentionnée, année, mois et jour, que d’ailleurs le véritable auteur se nomme lui-même en toutes lettres et qu’il parle de sa vie et des siens en quatorze passages. Son nom est Abderrahman (ben Abdallah ben Amran, ben Amar) Sàdi-el-Tomboucti. Il naît en 1596 à Tombouctou, « l’objet de ses affections », d’une de ces familles chez lesquelles la science et la piété se transmettaient comme un patrimoine. Par le soin qu’il met, en citant la mort de quelque illustre professeur, à dire qu’il fut son élève, nous pouvons induire qu’il passa ses années de jeunesse dans l’étude. Il parvient à l’âge d’homme entre 1626 et 1635. L’heure de l’apaisement a sonné. La domination des pachas de Tombouctou s’est adoucie. Les Marocains ont pris contact avec la population indigène et sont unis à elle par des mariages, Au lieu de persécuter comme au début les cheiks, ils les protègent et s’en servent quand ils ont besoin d’hommes intelligents, dévoués et instruits.

On comprend dès lors la considération dont un homme savant comme Abderrahman Sâdi était entouré et dont il nous a laissé des témoignages. Le récit de ses voyages au Massina et dans le Haut-Niger nous montre de quelle estime il jouissait non seulement à Tombouctou, mais encore dans les pays qui vivaient de la vie intellectuelle de cette ville et se tenaient au courant des choses de la capitale : partout où il va, il est accueilli avec joie, entouré de