Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
L’EUROPE ET TOMBOUCTOU

aucune situation officielle. C’est un grand marabout, jouissant de la considération générale, recevant de nombreux cadeaux de toutes les personnes pieuses, donnant des leçons très goûtées et suivies par de nombreux talibés venus du Soudan et du Désert. Il est homme de plume aussi, et compose sur les Kountas, les Touaregs et autres hôtes du Sahara, une œuvre historique le Taraïfa Sochora (ou petit Taraïfa) dont nous avons rapporté une copie.

À sa mort en 14847 son fils Ahmadi, issu d’une esclave, veut lui succéder dans cette situation officieuse, honorifique et lucrative. Mais l’ambition d’un de ses oncles l’en évince. Cette rivalité irrite le roi foulbé plein de vénération pour le défunt. Le prestige de la famille est diminué à Tombouctou par cette intrigue. Or cet oncle, cet ambitieux, cet intrigant, n’est autre que le cheik El Backay sur lequel compte Barth. L’ayant emporté sur son neveu, il s’efforçait de restaurer le prestige familial, en se faisant connaître par des voyages dans les pays voisins et séjournait ainsi en 1853 à Goundam, quand l’explorateur atteignit Tombouctou.

Barth croyait évidemment que Backay, au lieu d’être une simple autorité morale, occupait à Tombouctou une situation politique et prépondérante. C’est la seule explication à l’attitude singulière qu’il prit dès son arrivée et dont la maladresse ne pouvait manquer de lui créer des désagréments et pire encore. Contrairement à la coutume, il n’alla pas faire visite au chef de la ville ni aux autorités, se contentant d’attendre le retour du cheik dans l’une de ses maisons. La population fut vivement froissée de ce manque d’égards, et aussitôt l’hostilité se dessina telle que l’Européen fut prévenu de ne pas s’aviser de sortir. Cela dura un mois. Barth pendant ce temps ne vit de Tombouctou que le panorama de la ville du haut de la terrasse de son habitation.

Au lieu de s’améliorer, cette situation s’aggrava au retour d’El Backay. En 1853 Tombouctou faisait partie, ainsi que