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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

santé de ses chameaux. Aussi René Caillié, ayant vu, observé et interrogé à merveille pendant les quatorze Jours qu’il vécut à Tombouctou, a-t-il rapporté une moisson incomparablement plus riche que Barth qui y séjourna de longs mois. Si l’on juxtapose les deux récits, si l’on n’en retient que les passages concernant Tombouctou, on s’aperçoit que les dires de Barth ne sont que l’amplification des renseignements recueillis par son prédécesseur : tout l’essentiel, toute la substance en a été avancée par René Caillié.

Dès lors on demeure quelque peu surpris de voir Barth, après avoir été obligé de citer à mainte reprise René Caillié, traiter celui-ci, du haut de son titre de docteur, d’ « homme tout à fait incapable ».[1] Et cette surprise se change en stupéfaction lorsqu’il prétend ailleurs que « personne n’a pu, comme lui, représenter sous son vrai jour, la ville et ses habitants ».[2] C’est un exemple nouveau à l’appui du mot ancien : on peut être un grand savant et un petit esprit. René Caillié a donné beaucoup au-delà de ce que l’on pouvait attendre d’un homme qui n’avait appris qu’à lire et à écrire, d’un miséreux qui ne mangeait pas tous les jours à sa faim, d’un malheureux qui venait d’être rongé par le scorbut. Barth a été, à Tombouctou tout au moins, au-dessous de ce que promettait sa haute instruction.

Nous avons la générosité de lui fournir des excuses devant la postérité. Les événements l’ont empêché de voir de la ville autre chose que ses toits. La même raison l’empêcha de connaître ses habitants. Il a contre lui le sentiment public. D’autre part, El Backay est en révolte contre les autorités de la ville et contre le maître du pays, le roi foulbé. Les indigènes s’éloignent de l’un comme de l’autre. Barth vécut dans la société du cheik qui était un étranger, et de ses

  1. Barth : Vol. IV - page 38, édition française.
  2. Barth : Vol. IV - page 442, édition allemande.