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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

terrogent avant d’entreprendre une guerre ou en d’autres circonstances importantes ; le vulgaire de même les consulte. Mais l’Esprit de la source, qui est évidemment un esprit pratique, ne daigne s’occuper des uns comme des autres que moyennant des sacrifices.

Ils n’ont rien de bien féroce, ces sacrifices. Point de victimes humaines comme au Dahomey voisin, des bœufs seulement, mais Jeunes, car l’Esprit aime la chair tendre. Les immolations se pratiquent non à la source, mais au village de Nélia, en amont duquel se trouve la perte du Timbi. Là habitent les devins, leurs femmes et leurs enfants.

La bête étant égorgée on en dépèce les bons morceaux qui sont, naturellement, pour les serviteurs de l’Esprit et leurs familles. Cependant on a laissé la tête et les jambes intactes et adhérentes à l’ensemble de la peau. Celle-ci est alors empaillée et recousue, puis le mannequin est précipité dans le Timbi qui passe devant le lieu des sacrifices. À quelques pas de là, la rivière disparaît momentanément dans un souterrain rocheux. Le bœuf empaillé s’engouffre à sa suite. Lorsqu’il reparaît plus loin, en même temps que le Timbi, on le voit fièrement dresser la tête au milieu des eaux, semblant plein de vie, sautant, plongeant et reparaissant dans le bouillonnement du courant, jusqu’à ce qu’il coule. Alors tous se retirent satisfaits : l’Esprit de la source et ses coryphées par la perspective de quelques repas excellents, et le vulgaire, qui a fait les frais du spectacle, réjoui par les gambades du bœuf-mannequin.

Cette région du Kissi, sous le 9e parallèle, où le Niger prend sa source, est par excellence le pays des grandes pluies. De février à Juillet, l’eau tombe du ciel en véritables torrents. Aussi les pentes du massif de Kouranko sont-elles striées d’innombrables cascades, ruisselets, ruisseaux et rivières qui drainent les célestes inondations.