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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/188

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

drie, de Ptolémée, de Thémistius a pu fort injustement se réclamer de l’autorité d’Aristote.

Comment les mécaniciens de la Scolastique latine se seraient-ils tenus en garde contre une proposition si fortement appuyée ? Ils ne l’ont pas fait, et nous les en devons excuser.

Au quatrième livre de son Opus quadripartitum numerorum, Jean de Murs développe, non sans quelque maladresse, les enseignements du petit traité De incidentibus in aquam faussement mis au compte d’Archimède. Des petitiones sur lesquelles il compte appuyer ses déductions, la première est ainsi formulée[1] : « Nul corps n’est grave dans son propre sein. — Nullum corpus in seipso grave est. »

Vers la fin du xive siècle, Blaise de Parme développe, dans la troisième partie de son Tractatus de ponderibus, les doctrines de ce même opuscule ; voici comment débute cette partie[2] :

« Nul élément ne pèse dans sa propre région. C’est ce que dit Archimède au traité Des corps qui tombent dans un liquide. Dans son ouvrage sur l’Univers, le grand Académicien Aristote dit le contraire dans les termes suivants : Dans sa propre région, tout élément, sauf le feu, possède gravité. Mais cette philosophie n’a guère de partisans et, avec ce que nous allons dire, elle ne s’accorde pas ; laissons-là donc de côté. — Nullum elementum in ejus propria regione pondérât. Hoc dicit Alaminides in tractatu de incidentibus in liquido. Cujus magnus Achademicus Aristotiles contradicit, in ejus volumine de Universo sub hoc tenore : Quodlibet elementum in regione propria prêter ignem habet gravitatem. Que philosophia non multis placet, nec dicendis confert ; iedo relinquatur. »

Ainsi les théoriciens de la Mécanique, ceux qu’on nommait les Auctores de ponderibus, conspiraient avec les commentateurs mêmes d’Aristote pour rejeter l’enseignement du Stagirite, l’enseignement authentique d’Archimède, et pour déclarer qu’une masse d’eau est dénuée de tout poids, lorsqu’elle réside entre les deux surfaces sphériques qui délimitent le domaine de l’eau.

  1. Quadripartitum numerorum Magistri Johannis de Muris, lib. IV, tract. II : De ponderibus et metallis. (Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 7.190, fol. 81, ro.)
  2. Tractatus de ponderibus secundum Magistrum Blasium de Parma, pars III. (Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 10.252, fol. 157, vo.)