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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/44

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LES DEUX TESTAMENTS

Un jour il eut maille à partir avec le jeune orphelin qui avait refusé de lui obéir, sous un prétexte quelconque.

La difficulté s’était terminée par une véritable guerre.

L’oncle avait souffleté l’orphelin et celui ci s’était jeté sur l’oncle avec toute la fureur d’un jeune chat sauvage.

Cependant, la chose une fois passée, Edmond Bernier ne parla plus de l’incident et la grand’mère, qui s’était sentie pleine d’inquiétudes sur le résultat de cette aventure, commença à se rassurer.

Mais cette espérance fut de courte durée. Quelques jours plus tard, Mde Champagne reçut la visite d’un révérend père, ami du veuf.

C’était un digne et saint homme, universellement aimé et respecté. La veuve qui le tenait en haute estime fut flattée de recevoir cette marque d’amitié de sa part, mais son bonheur se changea subitement en tristesse, quand le prêtre, s’étant informé de sa santé et l’ayant entretenue sur différente sujets, amena enfin la conversation sur le jeune Joseph et lui conseilla fortement de le mettre dans une bonne pension ou maison d’éducation quelconque.

— Ma bonne dame, lui dit-il, vous ne pouvez donner à cet enfant les soins qui lui sont nécessaires. Faible et vieille comme vous l’êtes, il ne vous reste pas assez d’énergie pour l’élever convenablement, comme vous l’avez fait autrefois pour vos propres enfants.

La veuve ne put s’empêcher d’approuver ce raisonnement, de dire qu’elle avait élevé ses enfants strictement, mais qu’il était vrai qu’elle ne se sentait plus la force d’élever celui-là de la même manière.

— Vous voyez bien, alors, que vous devez suivre mon conseil. Votre gendre qui est si bon, si dévoué, se chargera de trouver une bonne école, où ce cher enfant recevra l’instruction et l’éducation qui lui sont si nécessaires ; et on en fera un bon chrétien et un bon citoyen.

La veuve sentait bien que le prêtre parlait sincèrement et que ses conseils étaient pleins de sagesse. Mais elle comprenait aussi, que son gendre, qui avait inspiré au prêtre la pensée de ces conseils à l’égard de son petit-fils, n’était pas désintéressé, lui, dans la question et que ses motifs, en voulant éloigner l’enfant, ne pouvaient être bons.

Pendant quelques secondes l’idée lui vint de raconter au prêtre tou-