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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/69

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CHAPITRE II

Le vent brutal et pénétrant de mars régnait en maître dans les rues de New York, dont il balayait la poussière avec une force terrible, qui menaçait de renverser les passants.

C’était un de ces jours où l’on préfère le coin du feu à la promenade.

C’est ce que pensait une jeune fille qui suivait des yeux, de la fenêtre où elle cousait, les ébats fantastiques d’un chapeau vagabond et de son propriétaire.

Sans être une beauté, cette jeune fille était assez jolie.

Petite de taille, mais bien proportionnée, elle avait un teint blanc et frais, bien qu’un peu pâle, des cheveux noirs qui ne cherchaient qu’à s’échapper de sa coiffure pour friser à leur goût, des traits piquants, sinon très réguliers, et de magnifiques yeux bruns pailletés d’or, des yeux expressifs qui reflétaient comme un miroir tous les sentiments qui agitaient son âme.

En ce moment, ils exprimaient la gaieté et la malice, et un sourire franc et spirituel révêlait ses dents blanches et petites, car l’homme au chapeau, en faisant un violent effort pour ressaisir son bien, venait de faire une culbute, tandis que le chapeau rebelle s’envolait encore plus loin.

Mais l’expression de ses yeux changea subitement car elle aperçut tout à coup, une femme traversant la rue avec difficulté, embarrassée qu’elle était par son grand châle broché, que le vent venait de transformer en une voile, qui menaçait de l’entraîner à la dérive.

— Maman, maman ! dit-elle en se retournant vivement. Voilà Mde Prévost qui vient nous voir, mais nous devrions aller lui porter secours, car le vent va sûrement l’emporter avant qu’elle atteigne la porte.

— Bonté du ciel ! s’écria, la mère qui se réveilla en sursaut, assoupie qu’elle était dans sa grande chaise berçante près du poêle.

Il faut qu’elle ait du courage pour sortir par un temps pareil.

Cependant, la jeune fille qui s’était levée et continuait à regarder par la fenêtre, constata que Mde Prévost était entrée au port, et un instant après, un cognement discret annonçait la visiteuse qui fut reçue avec empressement par la mère et la