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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/76

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CHAPITRE IV

Il est un certain quartier de New-York qui a toujours été particulièrement affectionné des Canadiens que le destin, bon ou mauvais, a amenés dans la métropole, pour s’y établir.

Ce quartier, que l’on distingue sous le nom de Yorkville, s’étend de la Cinquante-neuvième rue à la Quatre-vingt-dix-neuvième, d’un côté, et de la East River à la Cinquième avenue, c’est-à-dire, jusqu’au Central Park, de l’autre côté.

Yorkville est un exemple frappant de l’agrandissement rapide de la ville de New York, et de l’accroissement extraordinaire de sa population.

Il y a une vingtaine d’années, ce n’était qu’un petit village très insignifiant, séparé de la ville par des grands champs vastes et incultes.

Pendant une dizaine d’années, les changements qui devaient faire de ce village un des quartiers populeux de la ville, se firent très graduellement.

Il n’y avait que peu de bâtiments entièrement bâtis, en 1877.

On voyait encore, de côté et d’autre, de grands champs, des bas-fonds et des coteaux verts, dont un bon nombre étaient agrémentés de misérables cabanes appelées shanties, demeures d’une certaine classe commune d’Irlandais.

Ces shanties’' étaient ordinairement groupés, et formaient ainsi des petits villages en miniature.

Pour une modique somme, leurs propriétaires s’étaient acquis le droit de les bâtir sur des terrains qui appartenaient, soit à la municipalité, soit à des particuliers ; et en général, il les chérissaient, et s’y trouvaient plus heureux que les rois dans leurs palais.

Mais leur bonheur, comme celui des rois, n’était pas éternel. Un jour venait où ils recevaient l’ordre d’évacuer le terrain, en emportant, les débris de leurs cabanes, s’ils le voulaient. C’était alors des scènes de désolation dans ces pauvres quartiers.

Nous avons vu, il y a quelques années, une vieille femme qui revenait tous les jours pleurer sur les ruines de son shanty’' qu’on était en train de démolir en compagnie de plusieurs autres, pour élever à leur