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Page:Fagus - La Danse macabre, 1920.djvu/122

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la danse macabre


Un tremblotant dandie au triomphal sourire :

— Les venins de Vénus à loisir me dévorent,
Obstiné moribond qui ne veut pas mourir,
Mon mal avec lenteur se promène en mon corps :
Tout vivant je me vois sournoisement pourrir.

Un peu pâlot, sympathique tel un phtisique,
Les femmes se retournent après que j’ai passé,
Car mon port reste fier, ma moustache héroïque,
Ceux qui ne savent pas jalousent mes succès
 (Rincez ce verre, là, où j’ai bu !)

Pourtant ma peau s’écaille et mon sinciput pèle,
Mes dents titubent, ma mémoire s obscurcit,
j’entends dans mes vertèbres se friper ma moelle
Et lacérer mes nerfs l’effroyable ataxie.

Et je poitrine encor quand mes reins y consentent,
Quand mes os vermoulus ne grincent pas trop haut,
Et cuirassant ma pourriture complaisante,
Je ne me liquéfie que morceau par morceau.
 (Rincez ce verre, là, où j ai bu !)

Quand je l’aurai flairée se faire la plus forte,
Je brusquerai l’instant de me désagréger :
D’un coup de revolver je m’ouvrirai la porte,
— Bonsoir ! — ou sucerai la discrète dragée.

— 120 —