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Page:Fagus - La Danse macabre, 1920.djvu/128

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la danse macabre

Un sage : — J’ai maudit l’amour et je m’en ris :
J’ai châtré ma nature et l’ai crachée au loin. —
Une mégère affreuse en se troussant : — Tu dis ?
Et le sage : — Grouin, grouin, grouin, grouin ! —
 Là-haut les anges dans l’espace
 Chantent : — Ave Maris stella ! —
 En bas l’humaine populace
 Fornique et grogne et n’entend pas :
Le Juif Errant bondit comme un épileptique,
Et hors de lui, sataniquement radieux,
Rugit à la hurlante et délirante foule :
— Vous voilà maintenant semblables tous à Dieu !

Et voici qu’à travers les fumées qui s’écroulent,
Lentement se dessine un être monstrueux,
Haut comme une montagne. Une tête camuse
Dans les nuées s’enfonce, où l’on discerne moins
Que ne rêve, effigie gigantesque et confuse,
Une face de bouc avec des yeux humains.

Mais comment soutenir l’éclat des deux fournaises
Que sont ces yeux à l’effroyable fixité,
Et le fascinement de leurs deux lacs de braise,
Astres d’enfer en sa vivante obscurité ?

De fétides vapeurs qu’on dirait animées,
Et l’âme tourmentée de tous les mauvais morts,

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