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Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/194

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velles nuances morales, être secouée par les agitations les plus profondes : d’une pareille noblesse on ne saurait déroger. Il semble parfois que la nation oublie ces souveraines leçons : mais elles sont mêlées à toute sa vie, on les entend retentir à travers l’histoire comme un écho des âges, et les hommes nouveaux sont encore à cet égard les élèves des hommes anciens.


Il n’en est pas moins vrai que les bandes recrutées par Nobounaga, Hideyosi et Yeyasou pour établir leur pouvoir et pour restaurer l’unité et l’autorité de la politique japonaise, au sortir des désordres dans lesquels sombrèrent les Asikaga, étaient animées par un idéal moins complexe et moins raffiné. Les aventuriers qui installèrent les Tokougawa sur le siège des Chôgouns n’avaient que leur sabre et ne se targuaient pas d’une longue généalogie. La guerre peut être une école d’ascétisme, elle peut également exaspérer, en le comprimant, l’instinct de jouir. Enrichis et honorés, les soudards des nouveaux Chôgouns, — des soudards issus d’une race fine, — firent de l’art le véhicule de joies moins discrètes que les subtils et austères plaisirs des Asikaga. Dans les forteresses de pierre bâties par les princes sur des plans d’Europe, dans les châteaux des provinces établis sur le même modèle pour les daïmios, les peintres allaient bientôt exécuter des décorations immenses, couvrir les murailles, en quelques jours, de colossales forêts de pins, d’oiseaux légendaires, de tigres, de monstres éclatants. À l’intérieur des galeries