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Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/20

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les concilier par des procédés concrets : il ne pouvait se représenter les forces que comme des êtres, c’est-à-dire comme des bêtes ou comme des hommes. Pour les avoir à soi, à sa portée et pour exercer sur eux le pouvoir des conjurations, il devait du même coup donner satisfaction à son besoin instinctif de les concrétiser et de les dégager du chaos. De là le totémisme, religion de la bête dans laquelle le clan incarne la force divine, et, d’autre part, l’anthropomorphisme.

L’art totémique et l’art anthropomorphique ont d’abord été des moyens, des procédés ; ils ont fini par devenir un but et par se suffire. Du jour où la bête et l’homme incarnèrent des forces supérieures, leur image réclama un traitement particulier. Le clan qui adore le loup ou le serpent peut vouer son culte à un loup ou à un serpent quelconque, mais non pas à une image quelconque du loup ou du serpent. Le soleil est un homme ou un taureau, mais non pas n’importe quel taureau, n’importe quel passant de l’univers. C’est un taureau d’une grande force et d’une grande beauté, c’est un homme très fort et très beau. Ainsi l’image tend à se revêtir des attributs de l’excellence, et la notion désintéressée du parfait intervient comme une première note esthétique dans l’art religieux. Selon le génie des peuples, elle aboutit à une stylisation schématique, concentrée et puissante, ou à un naturalisme savant. La naïve prolixité de l’Inde a multiplié les têtes et les membres des dieux pour figurer leur vigilance, la multiplicité de leurs bienfaits, le caractère inévitable de leurs châtiments. D’autres races cherchèrent