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Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/54

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pêle-mêle de dieux. Communiquée à des Byzantins ou aux passagers du Mayflower, la révélation bouddhique aurait peut être été iconoclaste et stérilisante. Elle se propageait au sein d’une race exceptionnellement amoureuse de mythologie et d’épopées, indolente et romanesque, fertile en fables. D’autre part, elle n’apparaissait pas comme une nouveauté absolue, mais comme une réforme : par là, elle plongeait dans le passé, elle s’associait dans une certaine mesure. En parlant de la transmigration aux gens de l’Inde, elle ne les déconcertait pas, ils étaient habitués à décupler, à multiplier leur vie par l’idée (si vite transformée en images) des existences antérieures et des existences futures. Prenons garde que le renoncement bouddhique n’est pas le renoncement chrétien : la terre n’est pas pour lui le séjour d’en-bas, d’où l’on s’évade une fois pour toutes après la mort. Elle est le lieu de passage de nos vies innombrables, elle est peuplée de témoins, d’amis, de camarades, de frères inconnus qui nous ont escortés jadis, elle n’est pas un plan unique, aride et sans intérêt, mais l’arène infinie où se déroulent mille drames cachés. Tous ces prolongements du moi, toutes ces aventures extraordinaires dont nous ne sortirons qu’après bien des épreuves et par la connaissance de la Bodhi, quelle riche matière à mettre en action, et non pas matière à caprices, mais matière édifiante !

Il est vrai que le Bouddhisme est au fond une religion nihiliste, l’on a même pu dire athée, et c’est,