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DESCARTES.

en ce que je la pense, et cependant ce n’est pas ma pensée en ce que l’extension locale exclut toute autre extension là où elle est présente, tandis que l’ « extension de ma pensée » n’a pas ce caractère. Enfin, dans le dernier cercle, le philosophe sent et agit comme tout le monde, il « éprouve » son unité de personne à la fois corporelle et spirituelle.

Mais comment la pensée peut-elle agir sur l’étendue et pâtir de sa part ? — On sait la réponse de Descartes : la pensée n’agit pas, comme pensée, sur l’étendue comme étendue, et invicem. Ne sautons pas d’un cercle à l’autre, d’un point de vue à un point de vue tout différent. Demander comment la pensée agit sur la matière, c’est se figurer la pensée « comme un corps qui en pousse un autre », c’est consulter l’ « imagination », au lieu de l’ « entendement », qui seul ici serait de mise. Un corps n’en pousse même pas un autre, mais le mouvement du premier se continue dans le second. Or le mouvement ne peut pas se continuer dans la pensée, qui n’est plus mouvement. Concevez donc les mouvements d’un côté, qui se transforment l’un dans l’autre, et les pensées de l’autre côté, qui se continuent aussi l’une dans l’autre ; de plus, souvenez-vous que, dans la réalité, il y a union et même « unité », entre la série des mouvements et celle des pensées ; et n’en demandez pas davantage. — De nos jours, nous ne sommes pas plus avancés que Descartes dans la solution du mystère, et la philosophie actuelle n’a rien de mieux à faire que de suivre le conseil cartésien : ne jamais con-