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DESCARTES.

les organes élémentaires, nous pouvons conclure que la science de l’antiquité et du moyen âge, en son ensemble, fut une vaste spéculation sur les causes finales, par conséquent une esthétique, une morale et, en dernière analyse, une théologie ; car le principe suprême de l’ordre, du beau, du bien, de la finalité sous toutes ses formes, c’était Dieu. On croyait que, déroulant le plan divin, la nature même procédait des idées aux choses, du général au singulier, et descendait, pour ainsi dire, du but universel préalablement imposé par Dieu à la série des moyens particuliers capables de l’atteindre.

À la Renaissance, deux grands courants se produisirent, de plus en plus irrésistibles, qui allaient aboutir à la révolution cartésienne : on peut appeler l’un le courant expérimental, l’autre le courant mathématique. Les grands initiateurs de la Renaissance renouvellent partiellement et la méthode et les diverses sciences. Léonard de Vinci, non moins savant qu’artiste, excite à l’observation de la nature, dont l’expérience, dit-il, est la « seule interprète ». D’autres observateurs étudient les êtres vivants — Rondelet, Vésale, Servet, Aselli, Harvey, — non sans mêler bien des chimères à leurs observations. En somme, les physiciens et les naturalistes avaient beau induire et expérimenter, la théorie même de l’induction et de l’expérimentation était toujours représentée comme une recherche des essences, des qualités propres aux choses, des formes sous lesquelles elles se révèlent à nous, enfin des puissances