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DESCARTES.

ont tant insisté. Je frotte deux morceaux de bois l’un contre l’autre, et ils s’échauffent ; Bacon dit : le frottement et la chaleur sont dans un rapport de succession constante, et il croit avoir ainsi trouvé une loi de la nature. Descartes, dédaigneux, ne voit là qu’un fait brut généralisé, et il demande : Pourquoi ?… Nous apprendre que la chose se passe toujours ainsi, c’est nous poser le problème à résoudre, ce n’est pas nous donner la solution. On ressemble alors aux hommes primitifs qui, mesurant les angles d’un premier triangle, puis d’un second, puis d’un troisième, trouvaient sensiblement la même somme et se contentaient de dire, en généralisant : la somme des angles est la même dans les divers triangles. Mais pourquoi ?… Une loi de succession constante, ou de simultanéité constante, n’est pas une raison. Quand Galilée avait trouvé par la mesure son rapport d’aires, il ne pouvait pas en démontrer la nécessité. La causalité ainsi entendue n’est qu’une approximation pratique des vraies raisons explicatives. Aussi Descartes ne s’en contente-t-il pas : entre le frottement et la chaleur consécutive, il cherche un rapport de continuité mathématique, réductible logiquement, tout comme les rapports d’aires, à une déduction ayant pour loi l’axiome d’identité. La chaleur n’est qu’un mouvement, comme le frottement du bois ; c’est le même mouvement qui se continue sous des formes diverses, d’abord comme va-et-vient des morceaux de bois, puis comme ébranlement de leurs particules sub-