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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/101

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ne sont pas toujours dictés par la passion ; il y en a d’équitables et de judicieux. On a quelquefois raison à vingt-cinq ans, et tort à soixante. Il ne faut pas renier sa jeunesse. L’homme mûr ne fait qu’exécuter les rêves du jeune homme. Toute belle œuvre est un germe planté en avril qui s’épanouira en octobre. Qui n’a pas ses idées à sa majorité, ne les aura jamais. Nous demandons pardon de philosopher ainsi et d’enfiler les aphorismes comme Sancho Pança enfilait les proverbes devant un carton à moitié vide de son contenu : une multitude de petits carrés de papier où sous formules abréviatives ; en caractères microscopiques entremêlées de signes et de chiffres aussi difficiles à lire que les notes secrètes d’un Raymond Lulle, d’un Faust ou d’un Herr Trippa, sont résumées, concentrées, quintessenciées comme quelques gouttes d’élixir, toutes les doctrines de la terre : théogonies, mythologies, religions, systèmes, interprétations, gloses, utopies, papillonnent et tourbillonnent confusément, présentant quelquefois un signe hermétique ou cabalistique, car Gérard ne dédaignait pas une visite à Nicolas Flamel et un bout de conversation avec la femme blanche et le serviteur rouge, et si l’on tirait à soi l’un de ces papiers, les quelques lignes qu’il renferme vous occuperaient, comme le cryptogame du Scarabée d’Edgard Poe, et vous demanderaient une effroyable intensité d’attention ; il faut donc choisir dans le tas cette simple lettre relativement moins jaune, moins rance, moins roussie aux réac-