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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/110

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du public et perpétua cette impression qui eût dû être oubliée après le premier entr’acte.

Après avoir essayé de déchirer ce gilet de Nessus qui s’incrustait à notre peau, nous l’acceptâmes bravement devant l’imagination des bourgeois dont l’œil halluciné ne nous voit jamais habillé d’une autre couleur, malgré les paletots tête-de-nègre, vert bronze, marron, mâchefer, suie-d’usine, fumée-de-Londres, gris de fer, olive pourrie, saumure tournée et autres teintes de bon goût, dans les gammes neutres, comme peut en trouver, à la suite de longues méditations, une civilisation qui n’est pas coloriste.

Il en est de même de nos cheveux. Nous les avons portés courts, mais cela n’a servi à rien : ils passaient toujours pour longs, et eussions-nous arrondi à l’orchestre sous l’artillerie des lorgnettes, un crâne aux tons d’ivoire nu et luisant comme un œuf d’autruche, toujours on eût assuré que sur nos épaules roulaient à grands flots des cascades de cheveux mérovingiennes, — ce qui était bien ridicule ! — Aussi nous avons donné carte blanche à ceux qui nous restent, et ils en ont profité — les traîtres — pour nous conserver un petit air d’Absalon romantique.

Nous avons dit, dès les premières lignes de cette série de souvenirs, comment nous avions été recruté par Gérard pour la bande d’Hernani dans l’atelier de Rioult, et investi du commandement d’une petite escouade répondant au mot d’ordre Hierro. Cette soirée devait être, selon nous et avec raison, le plus