Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/132

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lange de familiarité et de grandeur, d’héroïsme et de passion, de sauvagerie chez Hernani, de rabâchage homérique chez le vieux Silva, révoltait profondément la portion du public qui ne faisait pas partie des salteadores d’Hugo ! De ta suite — j’en suis ! qui termine l’acte, devint, nous n’avons pas besoin de vous le dire, pour l’immense tribu des glabres, le prétexte des plus insupportables scies ; mais les vers de la tirade sont si beaux, que dits même par ces canards de Vaucanson, ils semblaient encore admirables.

Madame Gay, qui fut plus tard madame Delphine de Girardin, et qui était déjà célèbre comme poétesse, attirait les yeux par sa beauté blonde. Elle prenait naturellement la pose et le costume que lui donne le portrait si connu d’Hersent, robe blanche, écharpe bleue, longues spirales de cheveux d’or, bras replié et bout du doigt appuyé sur la joue dans l’altitude de l’attention admirative ; cette Muse avait toujours l’air d’écouter un Apollon. Lamartine et Victor Hugo étaient ses grands amis ; elle se tint en adoration devant leur génie jusqu’au dernier jour, et sa belle main pâle ne laissa tomber l’encensoir que glacée. Ce soir-là, ce grand soir à jamais mémorable d’Hernani, elle applaudissait, comme un simple rapin entré avant deux heures avec un billet rouge, les beautés choquantes, les traits de génie révoltants…

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Mars-août 1872.