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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/198

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hors des idées du jour. Les triomphes, pourtant très-réels, de Bouchardy leur semblent inexplicables, et d’ailleurs ils remontent à des époques fabuleuses, antéhistoriques, à l’âge de la pierre et des habitations lacustres ; qui peut se souvenir de telles choses ? La vérité est que Bouchardy n’était pas beaucoup plus âgé que la plupart de ceux qui vont criant toujours : « Place aux jeunes ! » mais il avait su de bonne heure faire sa trouée et planter sa bannière sur la citadelle conquise. Les jeunes maintenant doivent être contents des vieux, qui mettent à déguerpir et à leur laisser le champ libre un empressement des plus louables. Qu’ils montrent tout à leur aise leur génie, et qu’à la vieille formule démodée de Joseph Bouchardy ils en substituent une autre toute neuve, nous ne demandons pas mieux.

Nous avons connu Bouchardy à l’âge de vingt ans, dans le petit cénacle qui se groupait autour de Pétrus Borel le lycanthrope, et dont faisaient partie Gérard de Nerval, Jehan Duseigneur, Augustus Mac Keat (Auguste Maquet), Philothée O’Neddy (Théophile Dondey), — car il était d’usage alors de donner un peu de bizarrerie et de truculence à son nom trop bourgeois, — Napol Tom, qu’il ne faut pas confondre avec Napol le Pyrénéen, Alphonse Brot, Jules Vabre, votre serviteur et quelques autres qu’il est inutile de désigner, car ils se sont dispersés dans la vie sans laisser de traces. Bouchardy, quoique grand admirateur de