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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/207

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tragédies, il a fait de longs fragments d’un poëme de Jeanne d’Arc, où il cherchait à venger la vierge de Domrémy des lourdeurs de Chapelain et des légèretés de Voltaire, et la Divine Épopée, où l’on trouve des conceptions qui ne seraient pas indignes de Klopstock ou de Milton, si le style était toujours à la hauteur du sujet. Les tragédies et les épopées de Soumet ne donnent pas l’idée d’un poète tragique et d’un poète épique, mais seulement d’un poète. De tous ces ouvrages d’où il serait facile d’extraire des morceaux brillants, grâce à la musique de Bellini et à l’intérêt passionné du sujet, Norma survit seule.

Quand parut une Fête de Néron, la nouvelle théorie de l’art avait été promulguée dans la fameuse préface de Cromwell. Les mignons de Henri III soufflaient des pois dans leur sarbacane, en pleine Comédie-Française, et Hernani, prêt à sortir de la coulisse, frottait son cor sur sa manche pour le faire reluire. Bientôt allait éclater cette fanfare aux vibrations puissantes qui devait mettre en fuite les fantômes classiques. Il s’agissait de rajeunir la tragédie, de lui infuser un peu de sang rouge dans les veines, et d’assouplir ses draperies de marbre. C’était le but que se proposèrent MM. Soumet et Belmontet. À la rigueur, leur tragédie eût pu s’appeler drame, mais cela eût été bien vif pour un sujet romain traité en vers.

La couleur locale est étalée d’un pinceau timide sur le fond de la tragédie et semble effacée à nos